Cinq hommes Batwa enfin libérés dans l'Est de la RDC, après un an de prison sans procès

Nous sommes heureux d'annoncer que le 15 septembre dernier, cinq hommes Batwa qui étaient détenus depuis août 2019, à la prison centrale de Bukavu, à l'Est de la République Démocratique du Congo, ont recouvré la liberté et ont pu enfin rentrer chez eux auprès de leur famille, grâce à l’accompagnement de notre partenaire CAMV et de l'équipe juridique avec laquelle ils travaillent à Bukavu. Deux d'entre eux ont été libérés le 10 Septembre et les trois autres ont finalement été libérés hier.
Les cinq hommes, arrêtés respectivement en février et en octobre de l'année dernière et emprisonnés sans procès, ont été accusés de possession illégale d'armes et de participation à une milice armée (Raiya Mutomboki). Ces faits se sont produits dans le contexte d’un conflit entre les communautés autochtones riveraines Batwa et les autorités du Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB), qui a réagi de manière très agressive au retour de celles-ci sur leurs terres ancestrales. Ces Batwa avaient été expulsés de leurs terres ancestrales en vue de la création du PNKB, et certains membres de la communauté, harassés par plusieurs années de négociations infructueuses, ont décidé de retourner s’installer sur leurs terres.
La situation des 5 Batwa - plus d'un an de prison dans des circonstances épouvantables sans inculpation - contraste fortement avec une autre affaire judiciaire qui vient de s'ouvrir devant le même tribunal militaire à Bukavu. Dans cette seconde affaire, cinq écogardes sont poursuivis pour avoir en août 2019, tué un homme Batwa et blessé plusieurs jeunes jouant au football. Ils ont finalement été convoqués à une audience devant le tribunal la semaine dernière, le 10 septembre.
Il s’agit d’une une affaire civile portée par les familles des victimes. En dépit de plusieurs témoignages les accablant, les écogardes n'ont jamais été arrêtés ni inculpés. Au cours de l’audience du 10 Septembre dernier, les cinq écogardes devaient comparaître, mais aucun d'entre eux ne s'est présenté au tribunal. Leur audience a été reportée au 1er octobre et ils sont toujours libres de leur mouvement et sont toujours employés par le parc national.
Nous suivons également avec attention l’évolution d’une troisième affaire qui aurait dû être entendue le 17 Septembre. Il s'agit de l’affaire Kasula dans laquelle six hommes Batwa, y compris l'influent leader communautaire Jean Marie Kasula, ont été condamnés à 15 ans de prison, tandis que deux femmes Batwa ont écopé chacune de un an de prison à l'issue d'un procès expéditif qui n'a pas respecté les procédures régulières en février 2020. Cependant, nous sommes surpris d'apprendre aujourd’hui que l'audience a été reportée au 27 octobre, officiellement à la suite de l’état de sante du 1er Président de la Cour qui bénéficie de deux semaines de repos médical. Nous sommes profondément préoccupés par les conditions difficiles de détention à la prison centrale de Bukavu et les reports successifs du jugement qui pourraient affecter négativement la santé des quatre prévenus Batwa qui restent encore en détention. Nous espérons sincèrement qu’au cours de la prochaine audience, les poursuites engagées contre eux seront rejetées et que les huit hommes seront libres de rentrer chez eux définitivement et de vivre paisiblement.
Toutes ces affaires illustrent la manière dont la justice en RDC peut être biaisée au détriment des personnes ayant moins de pouvoir ou d’influence, et la manière dont la soi-disant "conservation" compromet les droits des communautés. En l'état actuel des choses, le modèle de conservation au Kahuzi-Biega et ailleurs en RDC est basé sur une approche qui a failli, consistant à expulser les communautés mêmes qui ont la capacité de prendre soin de leurs terres, laissant leurs terres vulnérables à l'exploitation par des forces extérieures, y compris les soi-disant organisations de conservation. Le peuple Batwa pourrait être reconnu comme un gardien efficace de la biodiversité si ses droits ancestraux sont respectés, et nous espérons que l’issue favorable de ces trois affaires judiciaires sera un premier pas vers la reconnaissance de ce fait.
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 16 setembro 2020
- Region:
- Democratic Republic of Congo (DRC)
- Programmes:
- Conservation and human rights
- Partners:
- Centre d’Accompagnement des Autochtones Pygmées et Minoritaires Vulnérables (CAMV)