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Quelle sera la position de la Banque mondiale en matière de droits humains ?

La Banque mondiale entre dans les étapes finales de l’examen de ses processus d’évaluation et de gestion du risque social et environnemental au niveau des projets. Annoncées à l’origine en 2011, les consultations au sujet de la première version s'achèveront le 1er mars 2015. Il est ensuite prévu que le processus d’examen des mesures de sauvegarde s’achève courant 2015, à la suite de consultations sur une deuxième version, et que le nouveau système de sauvegarde entre en vigueur en janvier 2016.

La Banque mondiale a reçu de vives critiques de la part d’universitaires, d’organes internationaux des droits humains, de peuples autochtones et de la société civile concernant son projet de Cadre environnemental et social, publié en juillet 2014. Des préoccupations importantes ont été exprimées non seulement au sujet de la politique et des normes proposées, mais aussi à propos du processus de consultation et d’engagement des principaux détenteurs de droits et parties prenantes lors de l’examen. Des déclarations et critiques vigoureuses sont disponibles ici. Quant à cet article, il se penchera sur les implications du projet actuel en termes de droits humains.

Une mise en œuvre inadéquate

La nouvelle proposition de mesures de sauvegarde de la Banque mondiale comporte deux sections distinctes, la Politique environnementale et sociale (ESP) et les Normes environnementales et sociales (ESS). Ces nouvelles mesures de sauvegarde proposées nécessiteront de nouveaux processus de mise en œuvre sensiblement améliorés pour s’attaquer aux graves faiblesses identifiées lors des évaluations précédentes de la mise en œuvre des mesures de sauvegarde de la Banque mondiale, un regain d’attention pour les incitations au personnel et un changement radical vers l’établissement de liens entre tous les niveaux d’évaluation des risques de la Banque mondiale.

Les mesures de sauvegarde de la Banque mondiale en vigueur sont dépassées et elles ne sont pas en harmonie avec l’état actuel de la réflexion au sujet du développement, le droit en matière de droits humains, les pratiques de sauvegarde dans le domaine des financements privés et publics, et se trouvent devant de graves défauts dans leur mise en œuvre. L’examen des acquis (Learning Review) 2006-2008 de l’OP 4.10 a par exemple mis en évidence des insuffisances graves en matière de mise en œuvre, puisqu’il a notamment constaté que, pour ce qui concernait directement les droits aux terres et aux ressources, seul un petit nombre de projets tenait adéquatement compte de ces droits.

Se limiter à l’adaptation du contenu ne suffit tout simplement pas. La phase suivante, qui consiste à établir le cadre à travers lequel de nouvelles mesures de sauvegarde seront mises en œuvre, est absolument essentiel pour le succès des mesures de sauvegarde, et devrait être menée de manière ouverte et transparente.

Et maintenant ?

Les pressions se font de plus en plus fortes sur la Banque mondiale afin qu’elle repense radicalement la façon dont les propositions actuelles pour un nouveau système de sauvegardes environnementales et sociales fonctionneront. Au sein du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), 27 titulaires de mandats au titre de procédures spéciales, un nombre très important, ont écrit collectivement au Président de la Banque mondiale afin de lui faire part de leurs préoccupations. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, par l’intermédiaire de son Groupe de travail sur les populations autochtones, a formellement communiqué au Président de la Banque mondiale les aspects critiques des propositions contenues dans l’ESS7 sur les peuples autochtones. Les peuples autochtones de Tanzanie, qui souffriront beaucoup suite à certains des nouveaux changements, ont écrit encore une fois à la Banque mondiale. Ces voix ne reflètent que certaines des nombreuses préoccupations exprimées au sujet du cadre de mise en œuvre, du contenu des différentes normes, et de la nature de la position de la Banque mondiale concernant les droits humains fondamentaux.

Les droits humains pour tous

Dans les nouveaux projets de documents, les droits humains sont mentionnés trois fois. La déclaration d’intention affirme que « les activités de la Banque mondiale sont favorables aux droits humains et promouvront leur respect conformément aux Statuts de la Banque mondiale ». Dans l’ESS2 sur les normes relatives au travail, il est déclaré que les « travailleurs recevront des informations qui… présenteront leurs droits conformément au droit national en matière de travail et d’emploi ». Et enfin dans l’ESS7, il est reconnu que « le statut économique, social et juridique [des peuples autochtones] limite fréquemment leur capacité à défendre leurs droits aux terres, territoires et ressources naturelles et culturelles et leurs intérêts dans ces terres, territoires et ressources ».

Dans un de ces cas seulement, la référence aux droits est accompagnée de l'identification d’une responsabilité. Il s'agit du cas des droits du travailleur, où le travailleur doit être adéquatement informé au sujet de ces droits par l'emprunteur. Dans les deux autres cas, les engagements sont flous. La Banque mondiale affirme que dans la pratique les droits humains sont protégés sans référence explicite, mais cet argument se heurte à des défis importants. L'un de ces défis est représenté par l'inclusion de ce qui est appelé une « approche alternative », dans le cadre de laquelle un gouvernement peut demander une dérogation de l’intégralité de l’ESS7, la norme portant sur les peuples autochtones. Tout en reconnaissant la nécessité de protections spécifiques pour les peuples autochtones, la Banque mondiale introduit simultanément un mécanisme visant à suspendre ces protections, une suspension dont il est probable qu’elle soit demandée par les gouvernements à l’égard desquels la protection est justement la plus nécessaire.

L’approche alternative doit être éliminée

Nous estimons que l’inclusion de cette approche alternative compromet toute revendication de leadership que la Banque mondiale pourrait faire dans le domaine des protections sociales et environnementales, et dément tout argument indiquant que la Banque mondiale protège les droits dans la pratique, sinon dans une référence explicite. Le maintien de cette proposition met directement en péril les peuples autochtones du monde entier. Elle ne peut être conservée si le nouveau système de sauvegarde entend protéger les droits et les intérêts des peuples autochtones.

Overview

Resource Type:
News
Publication date:
24 February 2015
Programmes:
Global Finance Climate and forest policy and finance Law and Policy Reform Supply Chains and Trade

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