La chaîne d’approvisionnement du bois et les politiques en matière de déforestation de l'UE seront-elles mises en conformité avec le droit international des droits humains ?
En juillet 2014, la Commission européenne a entamé une évaluation du Plan d’Action FLEGT de l’UE. FLEGT (Forest Law Enforcement, Governance and Trade) signifie application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux, et constitue la réponse de l'UE à l’exploitation forestière illégale et au commerce illicite qui y est associé. Le plan d’action a été adopté en 2003, et depuis cette date plusieurs accords de partenariat volontaires (APV) entre l'UE et les pays producteurs ont été négociés dans le cadre de cette initiative. Grâce à l'amélioration de la réglementation et de la gouvernance forestières, les APV sont censés garantir que le bois et les produits du bois exportés vers l'UE sont licites.
Bien que les APV aient offert un espace politique important à la société civile et établissent des bonnes pratiques en matière de négociations commerciales participatives dans plusieurs pays producteurs de bois (par exemple au Liberia), le Plan d’action FLEGT et les processus d'élaboration d’APV qui s’y rattachent présentent un certain nombre de lacunes. Un exemple actuel est le Guyana, où les communautés autochtones et les organisations de peuples autochtones ont à maintes reprises fait part de leurs vives préoccupations concernant le fait que leurs droits à leurs terres et ressources ne sont pas protégés dans le projet d’accord. Dans le projet actuel, les concessions forestières et les droits de coupe peuvent être attribués sur des terres coutumières des communautés qui ne sont pas encore reconnues juridiquement par le droit national, sans le consentement libre, préalable et éclairé (FPIC) des propriétaires des terres coutumières. Ces préoccupations, parmi d’autres, sont examinées dans deux rapports publiés à Georgetown en novembre 2015.
Puisque les préoccupations des communautés n’avaient pas, selon elles, été prises en compte de manière satisfaisante, l’Assemblée générale de l’Association des peuples amérindiens (Amerindian Peoples Association – APA) a publié en mai de cette année une résolution portant sur FLEGT. La résolution déclarait : « [….] L’APA appelle à l’avenir le gouvernement du Guyana et l’UE à garantir que l’APV inclut des mesures de sauvegarde claires et strictes, y compris la définition de bois légal, pour la protection des droits des peuples autochtones du Guyana à leurs terres, territoires et ressources conformément à la Constitution et aux normes du droit international des droits humains. Si ces protections ne figurent pas dans le texte de l'APV et ses annexes avant la signature, l’APA ne sera pas en mesure de l’approuver et ne l’approuvera pas ».
Sur la base des expériences du Guyana et des partenaires au Cameroun, en RDC et en Indonésie, le FPP a présenté un document détaillé au processus d’évaluation FLEGT en août 2015. Les contributions soulignaient que le plan d’action comportait des aspects positifs essentiels, comme l’approche participative à la gouvernance forestière, l’amélioration de la transparence dans les discussions sur les politiques forestières et la portée des réformes juridiques et politiques. Ce document arrivait cependant à la conclusion qu’il existe un manque de cohérence entre FLEGT et les objectifs politiques généraux de l’UE en matière de droits humains, et que les APV présentaient des lacunes dans leur traitement des droits et des questions relatives au régime foncier. En adoptant une approche selon laquelle la légalité a été définie simplement comme une série de lois nationales, les APV pourraient avoir des effets néfastes sur les communautés forestières sans garantir les droits fonciers et les droits aux moyens de subsistance. Un examen par le FPP de tous les APV en vigueur et en cours d’élaboration a mis ce problème en évidence. Il constatait que, de manière générale, les APV n’exigeaient pas l’inclusion de lois en matière de droits humains et qu'il n’existait pas de cadre systématique permettant d'évaluer si les lois nationales étaient conformes aux lois internationales et aux obligations connexes des pays producteurs.
Cet examen, ainsi que le document présenté par le FPP à l’évaluation FLEGT, recommandaient que l’intégration des obligations internationales des pays partenaires en matière de droits humains soit obligatoirement inscrite au programme des discussions sur les APV et que l’approche de l’UE à la légalité de la chaîne d’approvisionnement garantisse le respect de toutes les lois en vigueur, y compris des lois nationales, internationales et coutumières.
Il est extrêmement positif que le rapport d’évaluation FLEGT d’avril 2016 ait repris certaines de ces préoccupations (voir p. 56) et déclaré que « en confiant la définition de la légalité aux législateurs nationaux dans les pays producteurs, l’UE pourrait ne pas être à la hauteur de ses propres engagements internationaux » ni des politiques et des lois de l’UE. Le rapport faisait spécifiquement référence à l’obligation du Traité de Lisbonne qui créait l’obligation légale pour l’ensemble des institutions et organes communautaires compétents de l’UE de veiller à ce que le commerce et le développement soient une force positive pour les droits de l’homme (p. 169). Par ailleurs, il constatait qu’au nom de la cohérence des politiques de l’UE, « La souveraineté d'un processus APV devrait être conciliée avec la nécessité pour l'UE de fixer des exigences minimales reflétant les attentes des parties prenantes de l'UE, en particulier sur les droits de l’homme et du travail et pour la reconnaissance des lois et des droits coutumiers sur la propriété foncière des communautés forestières (p. 192) ».
Guidée par ces observations et recommandations essentielles, l’UE observera-t-elle ses obligations et ses engagements en matière de droits humains ? Incluera-t-elle en un pilier dédié aux droits humains dans une version actualisée du Plan d’action FLEGT et dans d’autres initiatives relatives aux chaînes d'approvisionnement de matières premières, comme le Plan d'action de l’UE sur la déforestation qui a été proposé ?
Oda Forberg Almås, Forest Peoples Programme
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 26 July 2016
- Programmes:
- Climate and forest policy and finance Law and Policy Reform Supply Chains and Trade