Sud-Kivu : Kasula et 4 autres Batwa enfin libérés de prison

Le vendredi 30 juillet 2021, la Cour Militaire du Sud-Kivu a rendu son verdict dans l’affaire opposant l’Institut Congolais de Conservation de la Nature (ICCN) et le Ministère Public à 7 membres de la communauté autochtone batwa de Muyange en territoire de Kabare, ordonnant la libération de ces derniers.
Cette libération est le résultat d’une bataille judiciaire de 17 mois accomplie grâce au travail inlassable d’une excellente équipe juridique conduite par Me Adèle Bisharwa, ainsi que le Réseau Congolais des Forestiers (RCF), avec l’appui technique et financier de Forest Peoples Programme (FPP) qui a estimé que les prévenus n’avaient pas eu droit à un procès équitable. D’autres organisations internationales telles que Initiative for Equality (IfE), Minority Rights Group International (MRG), Amnesty International, et Rainforest Foundation UK ont également contribué à l’assistance judiciare des prévenus dans le cadre de cette affaire.

Au cours du procès en première instance, huit Batwa y compris deux femmes étaient condamnés pour association de malfaiteurs, détention illégale d’armes et de munition de guerre, et destruction de la flore dans les aires protégées. L’un des prévenus, le dénommé Chekanabo Kayeye est malheureusement décédé en cours d’instance, entrainant de facto l’extinction de l’action publique a son endroit. Sa santé s’était détériorée lors de sa détention à la prison centrale de Bukavu pendant six mois, avant d'être libéré sous caution en Août 2020.
Annulant le jugement du tribunal militaire de garnison de Bukavu en date du 4 février 2020, qui était entaché d'irrégularités et de violations flagrantes du droit des prévenus à un procès équitable, la Cour a acquitté les cinq hommes Batwa du chef d’association de malfaiteurs, mais les a condamnés à 15 mois de servitude pénale principale pour détention illégale d’armes et de munition de guerre, et de destruction de la flore dans les aires protégées. Quant aux deux dames batwa libérées sous caution depuis le 30 juillet 2020, elles ont été condamnés à 12 mois pour destruction de la flore dans les aires protégées. La Cour a également condamné chacun des 5 prévenus au paiement de la somme de un million de francs congolais ( environ 500 USD) à titre de dommages et intérêts pour tout préjudice subi par l’ICCN/PNKB. Si une telle amende est difficile à comprendre au regard de l’indigence des membres de cette communauté pauvre, il faut toutefois se réjouir du fait que la Cour ait revu à la baisse le montant initialement fixé à 5000 USD chacun. Considérant que la durée de la détention déjà subie par chacun des prévenus (17 mois) est supérieure à la durée de la servitude pénale arrêté, la Cour a donc ordonnée leur libération immédiate, après 17 mois d’attente.
Me Adèle Bisharwa, l’Avocate principale des prévenus batwa s’est réjouie d’« un Arrêt objectif rendu par la Cour Militaire du Sud-Kivu », et rappelé que « ces communautés ont été expulsées de leur terres ancestrale, sans leur consentement, ni aucune mesure de compensation ou de restitution. Et aujourd’hui, absolument rien n’est fait pour assurer leur survie ».
Lassana Koné, juriste à FPP a pour sa part salué « une victoire judiciaire importante à titre individuel pour les 7 prévenus, mais aussi à titre collectif pour l’ensemble de la communauté batwa/bambuti qui a ressenti cet acharnement judiciaire à l’égard de Kasula et consorts comme une sorte de criminalisation extrême de leur quête pour la survie et la recherche des moyens de subsistance ». Il souligne en outre que « à un certain moment, Kasula et les 6 autres ont été assimilés à des miliciens par l’administration du PNKB, et une partie de la presse locale. Leur acquittement du chef d’association de malfaiteurs n’est donc pas anodin. Cela signifie que dans le contexte actuel d’insécurité généralisée, il faut distinguer entre les groupes armées qui sévissent à l’intérieur du Parc depuis de nombreuses années, et les familles batwa qui sont retournées s’installer sur leur terre ancestrale en octobre 2018, en quête de survie et de moyens de subsistance ».
« [Je ressens] un sentiment de justice, mais en même temps nous sommes conscients de l’ampleur des défis qui subsistent. Il faut poursuivre le plaidoyer pour permettre à la communauté batwa/bambuti d’accéder au moins à une partie de leur terre ancestrale ».
Elikia Amani, Coordonnateur du RCF dit ressentir
L’arrestation des prévenus est intervenue en début d’année 2020 dans un contexte de fortes tension entre l’administration du PNKB, les écogardes et les communautés batwa expulsées de leur terre ancestrale. En effet, dans les années 1970, environ 6000 Batwa ont été expulsés de leurs terres ancestrales pour faire place à la création du Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB) sans consultation, sans consentement, sans compensation ni aucun plan de réinstallation.
En octobre 2018, privés de tout moyen de subsistance, et désespérés que des solutions durables ne soit trouvées à la précarité de leur existence, un groupe de Batwa n'a pas eu d'autre choix que de retourner s’installer dans le Parc. Malheureusement pour eux, ce retour dans le parc a été accueillie avec violence par l'administration du parc qui les accuse de détruire la flore, la faune et l'écosystème du parc, au lieu de choisir plutôt de reconnaître les droits des Batwa et de travailler en partenariat avec eux pour protéger cet écosystème.
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 2 August 2021
- Region:
- Democratic Republic of Congo (DRC)
- Programmes:
- Conservation and human rights