Un Autochtone sengwer tué par balle par des gardes financés par l’Union européenne
Robert Kirotich, 41 ans, a été tué aujourd’hui par des gardes des services forestiers du Kenya (Kenya Forestry Service - KFS) financés par l’UE. Un autre homme, David Kipkosgei Kiptilkesi, a été blessé et emmené par les gardes et son état de santé n’est pas connu.
À 14 heures aujourd’hui, Robert Kirotich faisait paître son bétail à Kapkok Glade, dans la zone forestière d’Embobut, dans les collines de Cherangany à l’ouest du Kenya lorsqu’il a été attaqué par un groupe d’environ 40 gardes travaillant pour les services forestiers du Kenya. Il a été tué par balle et son corps a été retrouvé par des membres de la communauté à 18h30 aujourd’hui.
Le jour de Noël, des gardes employés par les KFS ont pénétré sur les terres des Sengwer pour les expulser de force, soi-disant pour des raisons de conservation. Après les avoir expulsés, ils ont mis le feu à leurs maisons. Ces violences étaient l’une des nombreuses expulsions de force que la communauté a subies par le passé et qui se sont poursuivies le 29 décembre, le 1er janvier, et jusqu’à aujourd’hui. Le 4 janvier, les Sengwer ont tenu une conférence de presse, pour demander un changement pour la nouvelle année.
Cette semaine, trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont écrit à l’Union européenne pour l’exhorter à suspendre ses financements au projet WaTER. John H. Knox, Rapporteur spécial sur la question des obligations relatives aux droits de l’homme se rapportant aux moyens de bénéficier d’un environnement sûr, propre, sain et durable, Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, et Victoria Tauli-Corpuz, Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, ont déclaré conjointement : « Nous appelons les autorités kényanes à mettre un terme de toute urgence aux expulsions de la communauté sengwer et à mener des enquêtes impartiales concernant ces attaques. De plus, nous exhortons l’Union européenne à suspendre ses financements au projet jusqu’à ce que des mesures soient prises pour faire respecter les normes internationales relatives aux droits des peuples autochtones ».
Les gardes travaillent pour le projet de protection des châteaux d’eau et d’atténuation et d’adaptation au changement climatique financé par l’UE (Water Towers Protection and Climate Change Mitigation and Adaptation - WaTER), un programme de 31 millions d’euros dont le but déclaré est de contribuer à éradiquer la pauvreté à travers l’amélioration de la productivité des services écosystémiques dans deux des cinq châteaux d’eau du Kenya.
Il y a une semaine, un autre Sengwer, Paul Kitum Kiptuga, a été la cible de tirs alors qu’il se trouvait chez lui. Il a dit : « À environ 12h30, une dizaine de gardes des KFS sont arrivés chez moi. Un membre de la communauté qui vit à proximité a vu les gardes des KFS se diriger vers ma maison et a crié : « Les KFS arrivent, tu dois courir aussi vite que possible ». J’ai tout quitté et j’ai couru.
« À 300 mètres de chez moi, les gardes des KFS m’ont vu. Alors que je fuyais, je me suis retourné pour voir à quelle distance ils se trouvaient. À ce moment-là, j’ai vu qu’ils étaient sur le point de tirer, j’ai entendu la détonation et la balle passer à toute vitesse à côté de moi. »
« Après le premier tir, ils me criaient de m’arrêter et d’autres criaient « tue-le, tue-le, tue-le ». Une autre balle réelle m’a effleuré puis j’ai réussi à pénétrer dans la forêt. J’ai entendu le dernier tir alors que je disparaissais dans la forêt et j’ai traversé la rivière, ce qui les a ralentis alors qu’ils me poursuivaient ».
« Ensuite, les gardes des KFS sont retournés chez moi et j’ai grimpé sur un lieu plus élevé pour pouvoir voir ce qu’ils faisaient. J’ai pu clairement les voir prendre des papiers, des couvertures et d’autres choses pour les mettre dans ma maison avant d’y mettre le feu ».
Les Sengwer demandent l’arrêt du projet WaTER de l’UE. Ils saluent son objectif qui est de chercher à protéger les forêts, mais ils affirment que financer un organe étatique, les KFS, qui agit de manière inhumaine, sans aucun intérêt pour les droits humains ou la conservation, est un moyen de détruire la communauté qui dépend de ses terres ancestrales, la forêt d’Embobut, et en prend soin.
Milka Chepkorir Kuto, une Sengwer, a déclaré : « Combien d’entre nous devront mourir pour que l’UE écoute ? »
Yator Kiptum, un dirigeant sengwer, a déclaré : « L’UE doit agir maintenant en annulant le projet WaTER. Combien de Sengwer doivent être tués par les gardes des KFS avant que l’UE n’écoute les membres des peuples autochtones sengwer qui ne peuvent s’exprimer, et qui essaient de vivre pacifiquement sur leurs terres ancestrales ? »
Fin
Remarques
La violence contre les Sengwer a pris la forme d’expulsions forcées, d’arrestations arbitraires, d’incendies de leurs maisons et d’autres violences.
L’article 63.2.d.ii de la Constitution kényane reconnaît le droit des peuples autochtones de contrôler et gérer leur terre.
De 2007 à 2013, la Banque mondiale a financé le projet ressources naturelles et gestion (Natural Resource and Management Project - NRMP) dans la forêt d’Embobut, qui a entraîné pendant des années des expulsions forcées des Sengwer. Malgré cela, l’UE a commencé à financer un projet dans la même région. Le projet WaTER Tower est un projet de 31 millions d’euros sur six ans qui a débuté en juin 2016, et devrait se poursuivre jusqu’en 2020.
Les services forestiers du Kenya sont un organe du gouvernement qui supervise l’exploitation et la gestion des ressources forestières dans le pays.
Contact
Members of the Sengwer are available for interview.
For further information and photographs contact
Nadia Stone, Forest Peoples Project: nstone@forestpeoples.org
Justin Kenrick, Forest Peoples Project: justin@forestpeoples.org
Overview
- Resource Type:
- Press Releases
- Publication date:
- 16 January 2018
- Region:
- Kenya
- Programmes:
- Access to Justice Conservation and human rights