Des progrès ont-ils été accomplis à Copenhague malgré la morosité?
De nombreux commentaires et analyses ont suivi les résultats de la 15ème Conférence des Parties (CdP15) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui s'est tenue à Copenhague en décembre dernier. L' "Accord" atteint a été défini en dehors des sessions formelles par une minorité de gouvernements et n'a pas été adopté formellement par la Conférence des Parties, qui en a simplement "pris note". L'Accord ne reconnaît pas les défis et la nécessité urgente de définir des engagements contraignants et justes afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en fournissant le soutien financier et logistique pour une transition vers des solutions énergétiques à faible teneur en carone.
Beaucoup d'encre a coulé également à proposde la façon dont la conduite de la présidence danoise a créé les prémisses d'un échec. Des questions ont aussi été soulevées concernant la décision de l'administration américaine et du Président Barack Obama de négocier l' "Accord" avec la coalition récemment formée appelée BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Chine et Inde), en ignorant les règles habituelles de la CCNUCC selon lesquelles les accords sont fondés sur le consensus. Les gouvernements exclus ont vivement condamné la façon dont les négociations se sont déroulées à huis clos. Le manque de transparence dans la formation de l'Accord de Copenhague a gravement porté atteinte à la confiance nécessaire pour atteindre un consensus sur une question aussi cruciale.
Alors que le processus de négociation faisait face à une crise généralisée, les parties ont convergé pour donner un mandat politique solide afin de continuer à soutenir et à promouvoir REDD+ (Réduction des émissions causées par le déboisement et la dégradation des forêts dans les pays en développement - Plus), suite à un consensus qui avait été atteint à différents niveaux avant la CdP15. Des réunions de haut niveau se sont tenues aux Nations Unies et les propositions du Groupe de travail informel sur le financement intérimaire de la REDD (IWG-IFR) figuraient parmi les priorités des pays du G20 et de la REDD.
L'Accord de Copenhague donne par conséquent le feu vert pour redoubler d'efforts afin de mettre en œuvre "des actions à intervention rapide" dans le domaine de REDD+ et appelle les pays donateurs à fournir les moyens financiers nécessaires afin d'atteindre l'objectif fixé. Néanmoins, l'Accord ne contient pas de libellé ou d'engagement au sujet du respect des garanties sociales, environnementales et des droits de l'homme. En réalité, les progrès qui avaient été accomplis au sein du groupe de travail sur la REDD au Groupe de travail spécial sur l'action concertée à long terme (AWG-LCA) sont restés au stade de projet.
Le projet de Décision sur la REDD qui avait été envoyé à la Conférence des Parties pour approbation contenait une importante référence explicite à la nécessité de protéger les droits des peuples autochtones et des communautés locales et de respecter les connaissances traditionnelles dans le dispositif, qui affirmait que ces garanties "devraient être promues en tenant compte des obligations internationales pertinentes". En outre, le projet indiquait que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) a été adoptée par les Nations Unies (bien qu'il n'affirme pas clairement que la DNUDPA doit être reconnue et respectée). Il contenait également une référence à la nécessité d'examiner les facteurs causant la déforestation et la dégradation des forêts, les questions relatives au régime de propriété, la gouvernance des forêts et les thématiques liées à l'égalité des sexes dans le développement et la mise en œuvre des stratégies REDD nationales. Les organisations des peuples autochtones avaient mené une campagne intensive afin de garantir une référence forte à la nécessité de défendre les droits des peuples autochtones et des communautés locales dans la REDD et dans les politiques climatiques en général à adopter à Copenhague. Ils ont en effet obtenu certains résultats en recueillant le soutien de différents groupes, des organisations gouvernementales aux organisations de la société civile et des mouvements sociaux.
Lorsque les négociations sont passées du niveau technique au niveau politique à la Conférence des Parties et au Segment à haut niveau des Chefs d'État et de Gouvernement, tous les projets de résolution envoyés à la CdP ont été mis de côté, mais ils seront pris nouvellement en compte dans la préparation de la CdP16. Dans ce contexte, la reprise des travaux du AWG-LCA donnera l'opportunité d'essayer d'améliorer et de renforcer ultérieurement le libellé sur les droits des peuples autochtones, le consentement libre, préalable et éclairé (FPIC) et la reconnaissance des connaissances traditionnelles. Entretemps, l'Organe chargé de fournir des avis scientifiques et techniques (OSAST) définira son programme de travail sur les implications méthodologiques de la REDD qui comprendra également un examen des procédures et des critères pour garantir l'engagement effectif des peuples autochtones dans la surveillance, les rapports et la vérification.
Les résultats de Copenhague en matière de REDD+ peuvent par conséquent être lus à différents niveaux. Ils soulignent d'une part la nécessité de redéfinir une analyse critique de la REDD et des propositions relatives qui pourraient permettre à REDD+ et aux compensations de devenir une voie d'issue facile pour les pays qui ne veulent pas s'engager en faveur de la justice climatique en réduisant leurs émissions et en acceptant de compenser leur dette climatique. D'autre part, à un niveau plus pragmatique, ils transmettent un message urgent aux organisations des peuples autochtones et aux mouvements sociaux afin d'assurer la coordination des activités de défense entre des voies différentes mais convergentes, au sein du processus de la CCNUCC et en dehors de ce processus. En réalité, les résultats de la CdP15 et les positions et les déclarations qui ont suivi la CdP indiquent une perte de crédibilité de la CCNUCC et par conséquent le risque d'atomisation des initiatives multilatérales en faveur d'une approche plurilatérale, ce qui marginaliserait le rôle de la CCNUCC lors de la préparation de la CdP16.
Pendant et immédiatement après la réunion de Copenhague, plusieurs gouvernements ont fait part de leur décision d'affecter des fonds à des projets REDD spécifiques (Amazon Fund, Indonesia REDD, etc.), alors que d'autres ont annoncé leur intention d'affecter un total de 3,5 milliards de dollars US pour soutenir une action à intervention rapide concernant la "préparation REDD" en 2010. Tous ces faits nouveaux doivent être attentivement surveillés, tant pour leurs implications spécifiques que pour les remous qu'ils pourraient provoquer dans le processus de la CCNUCC. A cet égard, Forest Peoples Programme continuera à travailler à différents niveaux : en soutenant le Caucus des peuples autochtones à la CCNUCC, en travaillant sur le terrain aux côtés des partenaires des peuples autochtones dans les pays REDD sélectionnés et en surveillant les activités et les évolutions au sein de la Banque mondiale et de UNREDD. L'objectif primordial est de contribuer et de garantir un engagement fort envers les obligations et les instruments internationaux relatifs aux droits des peuples autochtones et des communautés locales, tels que la DNUDPA, et la reconnaissance, entre autres, du droit des peuples autochtones au consentement libre, préalable et éclairé (FPIC) pour toute activité relative à REDD qui pourrait porter atteinte à leurs droits et à leurs terres.
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 1 March 2010
- Programmes:
- Climate and forest policy and finance Law and Policy Reform