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La situation des peuples autochtones au Paraguay : leurs terres et les lois qui les protégeraient

Le 12 novembre 2015, le Forest Peoples Programme (FPP) et son partenaire au Paraguay, la Federación por la Autodeterminación de los Pueblos Indígenas (FAPI) ont publié un ensemble de rapports décrivant la situation actuelle des peuples autochtones, de leurs terres, ressources et territoires au Paraguay, ainsi que le cadre juridique national censé respecter, promouvoir et protéger leurs droits. Beaucoup ont affirmé que le dernier grand « accaparement » des terres, ressources et territoires autochtones ne viendra pas des grands projets d’infrastructures, mais des initiatives de conservation et de protection des ressources.

Les deux rapports, « Situación Territorial de los Pueblos Indígenas de Paraguay » et « Estudio del Marco Legal de Paraguay sobre los Derechos Humanos de los Pueblos Indígenas relacionados con los posibles Proyectos de REDD+ », sont le fruit de plus de trois ans de travail de la FAPI et des communautés autochtones du Paraguay ainsi que du FPP – un travail financé par le Programme international de NORAD sur le climat et les forêts (rapports disponibles uniquement en espagnol).

L’objectif des études de terrain d’accompagnement, des collaborations techniques et des rapports finaux était (i) de présenter les résultats de nombreux ateliers communautaires évaluant la situation territoriale des peuples autochtones dans l'ensemble du Paraguay, (ii) de formuler des recommandations pour la récupération des terres et territoires autochtones aujourd’hui aux mains de l’État ou de particuliers (iii) d’examiner le soutien, les lacunes et les échecs potentiels du droit national pour les aspects qui concernent les peuples autochtones, et (iv) de créer le contexte approprié pour contribuer aux politiques et programmes nationaux et internationaux de REDD+ et d’autres initiatives de développement et de conservation qui pourraient affecter les droits et les intérêts des peuples autochtones au Paraguay.

L’étude consacrée aux terres a constaté que les peuples autochtones du Paraguay possèdent souvent des titres pour de simples parcelles qui ne reflètent pas l'étendue de leurs territoires traditionnels. Ces parcelles, sanctionnées par la loi mais non conformes aux obligations et devoirs nationaux et internationaux du Paraguay, fragmentent les territoires et les peuples, et laissent les terres exposées aux acteurs privés (cultivateurs de soja, exploitants de grands élevages, grands agro-industriels) qui sont les principaux responsables de la déforestation. Le résultat est qu’il est peu probable que les avantages futurs des programmes axés sur les changements climatiques et la conservation ne reviennent aux véritables propriétaires – les peuples autochtones. Entre 2006 et 2010, un dixième de la région du Chaco a été converti en fermes et 1,2 million d’hectares de forêts ont été décimés entre 2010 et 2012, avec le consentement et/ou l’autorisation expresse du gouvernement du Paraguay, qui poursuivait en même temps, avec beaucoup de rhétorique, le travail avec ONU-REDD+ et d’autres fonds de conservation.

Des normes nationales, notamment la Constitution et la législation du Paraguay, et tous les traités internationaux en matière de droits humains et d’environnement ratifiés par le pays (transposés dans des lois nationales conformément à la Constitution) forment un corpus juridique substantiel contenant des protections pour les droits des peuples autochtones, y compris pour les droits à leurs terres, ressources et territoires. Plusieurs lacunes existent néanmoins dans la lettre et la mise en œuvre de ces normes, et les lois ne prévoient que des voies de recours limitées. L’étude juridique conclut que :

  1. certaines protections des droits humains ne sont toujours pas régies par le droit national. Par exemple, la personnalité juridique est consacrée par le droit international pour tous les « peuples » autochtones, mais au Paraguay, toutefois, ce droit n’est garanti dans la pratique qu’aux « communautés » et uniquement des communautés individuelles (et non des peuples entiers) peuvent détenir un titre pour leurs terres. Il existe également une limitation dans la description de ce qui constitue des terres et territoires autochtones (autorisant des restrictions sans précédent en termes de dimensions et basée uniquement sur la possession effective plutôt que sur l’utilisation effective ou traditionnelle) ;
  2. dans la pratique, de nombreuses lois ne sont pas adéquatement mises en œuvre. Cela est confirmé par l’insuffisance de recours judiciaires justes et rapides, et l’absence de mesures administratives effectives pour la protection des droits (par exemple, des mesures adéquates pour traiter les demandes des peuples autochtones en matière de régime foncier et de restitution des terres) ;
  3. la volonté politique en faveur de la mise en œuvre fait souvent défaut – parfois à cause du manque de ressources et de capacités institutionnelles, ou de la non-harmonisation des incohérences dans les lois qui concernent les peuples autochtones. Par exemple, la loi autochtone et la constitution du Paraguay décrivent de manière très différente la propriété autochtone, ce qui entraîne non seulement des retards, mais aussi des formes de reconnaissance qui sont incompatibles avec les devoirs et les obligations du Paraguay conformément aux droits national et international.

Ensemble, les deux rapports sont une lecture indispensable pour tout gouvernement, institution financière nationale et internationale et organisation de conservation qui détient des intérêts ou des enjeux dans le soutien et la facilitation des projets ONU-REDD+ et d’autres projets affectant les ressources naturelles du Paraguay.

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