L'action en matière de droits fonciers et de FPIC est essentielle pour l’efficacité des initiatives forestières et climatiques, selon le constat du nouveau rapport spécial de l'APA et du FPP sur le Guyana
Le Guyana fut un fervent partisan des financements internationaux de la lutte contre la déforestation dans les pays tropicaux. En 2009, le gouvernement a signé un mémorandum d’entente avec le Royaume de Norvège au titre d'un accord visant à réduire la déforestation, promouvoir un développement à faible teneur en carbone (basé sur des combustibles non-fossiles) et entamer des négociations avec l’Union européenne concernant un traité commercial dans le cadre de l’initiative Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux (FLEGT). Près de cinq ans après la signature de cet accord bilatéral, comment les droits des peuples autochtones et les questions relatives au partage local des avantages sont-ils abordés dans les politiques du Guyana en matière d’utilisation des terres, de forêts et de climat ?Un rapport détaillé publié conjointement en juin par l’ Amerindian Peoples Association (APA) et le FPP cherche à répondre à ces questions en examinant le traitement des droits des peuples autochtones dans la stratégie de développement à faibles émissions de carbone (LCDS) du pays, y compris dans le cadre de grands projets d’exploitation de l’énergie hydroélectrique prévus aux chutes d’Amaila dans la Région 8 et sur le Haut-Mazaruni (Région 7). Le rapport analyse en détail la gouvernance foncière et l’approche aux droits fonciers dans les politiques climatiques nationales. La dernière section du rapport contient un examen approfondi de l’approche aux questions de participation, de régime foncier et de gouvernance dans les premières étapes du processus d’Accord de partenariat volontaire (APV) Guyana-EU FLEGT.Des droits fonciers coutumiers qui ne sont pas adéquatement protégésL’analyse constate que les politiques en matière de régime foncier et les cadres juridiques au Guyana souffrent d’importantes lacunes, qui génèrent de nombreux conflits fonciers courants entre les communautés amérindiennes et les exploitants forestiers et miniers dans les zones forestières du pays. Le rapport indique qu'à moins que des réformes juridiques ne soient adoptées, notamment des changements aux dispositions relatives aux droits fonciers dans la loi amérindienne (Amerindian Act), des protections inadéquates des droits fonciers coutumiers risquent d’entraîner un accaparement « vert » massif des terres dans le cadre du programme REDD et du programme de paiements en contrepartie de services fournis pour l’écosystème (PES) dans le pays, les Amérindiens étant les « perdants » de la situation.Des politiques nationales contradictoires qui promeuvent la déforestationIl s’est avéré que l’expansion effrénée et agressive du secteur minier entraîne une déforestation et un changement dans l'utilisation des terres permanents et durables à l'intérieur du Guyana. L’utilisation croissante d’excavatrices à chenille lourdes par les exploitants miniers endommage les sources d'eau, dévie les ruisseaux et les rivières et fait disparaître les précieuses terres forestières et agricoles utilisées par les villages amérindiens. L’avancée de la frontière minière engendre des violations flagrantes des droits humains dans les communautés amérindiennes, notamment la violence sexuelle systématique contre les femmes et les enfants.Au cours des dix dernières années en particulier, un très grand nombre de mineurs sont arrivés à Baramita. Les personnes sont déchirées ! Les femmes caraïbes vivent dans la peur, et des viols sauvages et des attaques terribles ont lieu. Cette semaine, une jeune mère caraïbe a été victime d'un viol collectif perpétré par sept hommes (lors d’une visite à Port Kaituma). Elle est depuis décédée des suites de ses blessures. Beaucoup meurent du VIH/SIDA. Et les caraïbes se tuent également de désespoir. Rien qu'au cours des deux derniers mois, il y a eu quatre suicides. [Villageois, village de Baramita, octobre 2013]Les villageois amérindiens ont fait part de leur confusion concernant les politiques gouvernementales qui cherchent d'une part à protéger la forêt dans le pays, mais qui autorisent d’autre part de grands projets d’infrastructures à défricher les terres forestières et octroient de plus en plus de concessions aux exploitants miniers et forestiers :« Les villageois n’ont été informés de la concession A Mazaharally qu’à travers des cartes fournies par la Commission forestière du Guyana (Guyana Forestry Commission - GFC) en 2009 suite à des amendes infligées à des villageois pour de prétendues « activités d’exploitation forestière illégales » sur leurs propres terres traditionnelles (sans titres). Maintenant la terre est occupée par une société asiatique d’exploitation forestière et nous ne savons rien d’autre sur ces accords. Nous ne comprenons pas comment le gouvernement dit vouloir sauver les forêts tout en autorisant la destruction massive de la forêt par de grandes sociétés chinoises et malaisiennes, alors qu’il punit les petites gens comme nous au titre de la stratégie de développement à faibles émissions de carbone (LCDS) »[Villageois, Kwebana, Région 1, 2012]Des consultations tardives sur les programmes forestiers et climatiquesL’évaluation constate que pour l’instant, aucune véritable consultation sur REDD+ et les questions qui s’y rapportent, telles que la proposition de préparation (R-PP) FCPF de la GFC, n’a eu lieu au niveau communautaire (bien que des communications sporadiques du gouvernement aient eu lieu). Dans la très grande majorité des cas, la plupart des villages amérindiens n’ont encore qu’une connaissance limitée des implications de REDD et de la façon dont il peut affecter leurs moyens de subsistance et leurs forêts – en bien ou en mal. Le rapport de l’APA et du FPP souligne qu’à moins que des efforts beaucoup plus importants ne soient déployés pour fournir des informations équilibrées et accessibles dans des termes qui soient compréhensibles pour les villageois et les conseils de villages, une procédure de FPIC crédible ne sera pas possible.Un non-respect des normes sociales convenuesIl convient de souligner qu’un audit indépendant de la LCDS en 2012 a constaté que les indicateurs de protection sociale convenus pour les droits des peuples autochtones n’avaient pas été atteints. La validité d’un récent audit conduit en 2013 par INDUFOR est également remise en question, puisque rien ne laisse supposer que les problèmes de mise en œuvre des mesures de protection ont été résolus. Bien que l’accent mis sur le régime foncier dans la LCDS soit considéré comme étant extrêmement positif, le rapport est critique à l’égard du projet de titres fonciers amérindiens (Amerindian Land Titling - ALT) du fonds d’investissement REDD du Guyana (Guyana REDD Investment Fund - GRIF), qui n’a pas abordé les graves défauts des règlements du Guyana en matière d’octroi de titres fonciers et de démarcation des terres, territoires et ressources des peuples autochtones.Un manque de diligence raisonnable dans le projet « vedette » de la LCDS à AmailaDe même, un examen détaillé du projet énergétique des chutes d’Amaila constate que le FPIC n’a pas été respecté, alors que les évaluations des effets sociaux et environnementaux n’ont pour l’instant pas pu identifier les effets indirects et cumulés sur les terres et le mode de vie des Patamona.Des informations peu claires concernant le barrage hydroélectrique sur le Haut-MazaruniConcernant la proposition de projet de barrage sur le Haut-Mazaruni, déjà rejetée une fois par les peuples akawaio et arekuna dans les années 1980, un grand déficit d’informations sur les contenus des propositions actuelles des gouvernements et des entreprises pour la construction d’un barrage est constaté. En mars 2014, les villages ont reçu l’assurance du gouvernement qu’ils ne seront pas inondés ou réinstallés dans le cadre d’un nouveau projet de barrage. Néanmoins, aucune carte ou plan du projet de barrage révisé n’a été présenté aux villages amérindiens, par conséquent les Akawaio ne sont pas en mesure de vérifier ces nouvelles affirmations. Pendant ce temps, les villageois restent inébranlables et s'en tiendront à la position collective de leurs ancêtres consistant à rejeter tout barrage qui menace leurs terres, leurs moyens de subsistance et leur mode de vie.La feuille de route FLEGT doit être ralentieUne évaluation détaillée du processus FLEGT met en exergue les défauts des arrangements et du processus multipartites actuels pour l’élaboration de la définition nationale de bois « légal » de l'APV. La réticence du gouvernement à discuter des carences des politiques nationales actuelles en matière de droits fonciers et de gouvernance forestière est considérée comme un obstacle à un dialogue multipartite significatif sur les réformes nécessaires pour s’assurer que l’industrie du bois respecte les droits des peuples autochtones. Comme dans le cas de REDD, il convient de souligner que de nombreuses communautés manquent d'informations concernant le processus APV-FLEGT et ses implications pour les moyens de subsistance locaux. Le rapport appelle à la consolidation des accords de consultation et de participation pour les négociations des APV et à un ralentissement du calendrier de la feuille de route afin de permettre une consultation significative des villages amérindiens.Un appel à une action ciblée sur les droits fonciersParmi les nombreuses recommandations spécifiques sur les mesures nécessaires pour protéger les droits des peuples autochtones, le rapport demande qu’un groupe d’étude national sur la terre examine la situation foncière actuelle dans les zones amérindiennes et définisse des propositions consensuelles sur les actions requises et les changements nécessaires à apporter aux lois, aux politiques et aux initiatives gouvernementales actuelles, y compris le projet de titres fonciers amérindiens.Le rapport peut être téléchargé sur : http://bit.ly/1uxgyfgLes différentes sections peuvent également être téléchargées séparément.Sources d’informations supplémentaires : Urgent communication on the situations of the Akawaio indigenous communities of Isseneru and Kako in Guyana, février 2013 Butt Colson, A (2013) Dug out, dried out or flooded out? Hydro power and mining threats to the indigenous peoples of the Upper Mazaruni district, Guyana. FPIC: Free, Prior, Informed Consent? Survival International, Londres http://bit.ly/1pWRu4uColchester, M et La Rose, J (2010) Colchester, M et La Rose, J (2010) Our Land, our Future: Promoting Indigenous Participation and Rights in Mining, Climate Change and other Natural Resource Decision-making in Guyana, Rapport final du projet APA/FPP/NSI « Exploring Indigenous Perspective on Consultation and Engagement within the Mining Sector in Latin America and the Caribbean: Phase II: Toward Community Strengthening, Dialogue and Policy Change » (Examen de la perspective autochtone en matière de consultation et d’engagement dans le secteur minier en Amérique latine et dans les Caraïbes. Phase II : vers un renforcement communautaire, le dialogue et le changement politique). Amerindian Peoples Association, Georgetown, Guyana, mai 2010 http://bit.ly/1r5Gv5VGriffiths, T et Anselmo, L (2010) Indigenous peoples and sustainable livelihoods in Guyana APA-FPP-NSI, Georgetown et Moreton in Marsh Butt-Colson, A J (2009) Land: its occupation, management, use and conceptualization – the case of the Akawaio and Arekuna of the Upper Mazaruni District, Guyana Last Refuge, PanboroughGriffiths, T (2009) Guyana: indigenous peoples, forests and climate initiatives FPP, Moreton-in-Marsh
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 11 July 2014
- Region:
- Guyana
- Programmes:
- Supply Chains and Trade Climate and forest policy and finance Global Finance
- Partners:
- Amerindian Peoples’ Association (APA)