Le projet d'enregistrement des titres de propriété foncière de la BID doit être repensé pour éviter la violation des droits des peuples autochtones et l’augmentation de la déforestation
L’avenir d’un projet d’attribution de titres fonciers de 80 millions de dollars des États-Unis au Pérou, financé par la Banque interaméricaine de développement (BID), ne tient qu’à un fil. AIDESEP, l’organisation nationale des peuples autochtones de l’Amazonie du Pérou, soutient que les conflits relatifs à la terre et à la destruction des forêts s’intensifieront en conséquence de l’initiative. Les organisations autochtones ont déposé une pétition auprès du gouvernement péruvien demandant un processus formel de consultation avant la poursuite du projet.
Le projet vise à enregistrer et délivrer des titres fonciers à plus de 700 000 agriculteurs migrants. Toutefois, il ne protège pas de centaines de communautés autochtones de l’Amazonie, dont les terres demeurent sans protection malgré des années de protestations des communautés, et les obligations juridiques existantes du gouvernement péruvien d'accorder une telle protection.
« Il n’est pas possible de continuer à penser que l’Amazonie n’est qu’une région sauvage sans communautés autochtones », a déclaré Henderson Rengifo, Président de l’AIDESEP. « Nous demandons que ce projet respecte notre droit à la vie en protégeant nos territoires… »*.
Le Projet cadastre, octroi de titres et enregistrement des terres rurales au Pérou (PTRT3) sera axé principalement sur un programme massif d’attribution de titres et d’enregistrement pour plus de 700 000 propriétés foncières individuelles d’agriculteurs. Un programme de travail beaucoup plus restreint vise à garantir les titres de 228 communautés autochtones de l’Amazonie et de 228 autres communautés dans les Andes.
Les conflits fonciers et la destruction des forêts sont fréquents dans l’Amazonie péruvienne, toutefois le gouvernement péruvien poursuit la promotion de la colonisation agricole de l'Amazonie, entraînant une hausse des taux de déforestation, tel qu'indiqué dans un récent rapport AIDESEP-FPP. Par ailleurs, le gouvernement péruvien n’accorde pas de reconnaissance juridique sûre à plus de 1 000 communautés autochtones et à environ 20 millions d’hectares de territoires autochtones non protégés, identifiés dans un rapport complet compilé par AIDESEP. Des événements effroyables, tels que les récents assassinats de leaders asháninka qui défendent leur territoire, se poursuivront tant que ces contradictions existent.
En dépit d’efforts incessants de la part de l’AIDESEP pour s’engager aux côtés de la BID et du gouvernement péruvien et les informer des effets néfastes probables du projet, le prêt a été approuvé par la BID et le gouvernement du Pérou en décembre 2014.
Ne pas accorder la priorité à l’attribution de titres aux terres autochtones revient d’une part à ne pas tenir compte des enseignements tirés des évaluations formelles des investissements dans l’octroi de titres fonciers commandées par la BID, et viole d’autre part les obligations juridiques du Pérou de protéger les territoires des peuples autochtones. Cela comprend l’obligation de l’État de s’abstenir d’octroyer des concessions ou de s’abstenir de « toute action qui pourrait … affecter l’existence, la valeur, l’utilisation ou la jouissance des biens »** jusqu’à l’achèvement de la délimitation et de la démarcation des territoires des peuples autochtones et de l’octroi de titres à ces territoires.
Il a également été souligné que le programme met en péril les efforts parallèles d'autres projets de la BID au Pérou, notamment le Programme d’investissement pour la forêt, visant à arrêter et faire ralentir les taux de déforestation, ainsi que les objectifs ambitieux du gouvernement péruvien d’atteindre une déforestation nette nulle d'ici 2020.
Des hauts fonctionnaires du Ministère de l’agriculture ont répondu à la pétition formelle de l’AIDESEP en annonçant qu’ils espèrent repenser le projet et recommander que l’octroi de titres aux terres autochtones devienne une priorité. Le leader de l'AIDESEP Bernabé Impi a insisté sur le fait que l’organisation déposera une plainte formelle auprès du mécanisme de plainte de la BID si le projet n’est pas reformulé tel que promis.
___________
* « Esto no puede ser posible, seguir pensando que en la selva hay solamente monte sin comunidades indígenas es un error, nosotros exigimos se respete nuestro derecho a la vida, asegurando nuestros territorios »
** Décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, Affaire de la communauté mayagna (sumo) awas tingni c. Nicaragua. Fond, réparations et coûts. Jugement du 31 janvier 2001. Séries C n° 79, § 153(b). Extrait du texte en espagnol : Estado debe abstenerse de “realizar, hasta tanto no se realice esa delimitación, demarcación y titulación, actos que puedan llevar a que los agentes del propio Estado, o terceros que actúen con su aquiescencia o su tolerancia, afecten la existencia, el valor, el uso o el goce de los bienes ubicados en la zona geográfica donde habitan y realizan sus actividades los miembros de la Comunidad” Corte IDH. Caso de la Comunidad Mayagna (Sumo) Awas Tingni Vs. Nicaragua. Fondo, Reparaciones y Costas. Sentencia de 31 de agosto de 2001. Serie C No. 79, párr. 153‐2.
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 24 February 2015
- Region:
- Peru
- Partners:
- Asociación Interétnica de Desarrollo de la Selva Peruana (AIDESEP)