Les normes volontaires du secteur privé
L’indignation générale concernant les déprédations d’un commerce mal réglementé a conduit à la reconnaissance croissante des responsabilités des entreprises de respecter les droits humains, ainsi que de la nécessité de réglementations renforcées afin d’améliorer la façon dont les produits sont fabriqués et de s’assurer que l’environnement et les droits des personnes soient respectés et protégés. Une prise de conscience s’est produite quant au fait qu’il est urgent de mettre sur pied une meilleure intendance de l’environnement et une meilleure gouvernance foncière, des réformes du régime foncier, et un renforcement de la mise en œuvre de lois révisées et justes. Ces réformes ayant tardé à entrer en vigueur, les consommateurs et les acheteurs ont donc exigé que des changements aient lieu plus rapidement. Cela a donné naissance à l’élaboration de normes par le secteur privé pour la réglementation de la production et du traitement des matières premières afin de respecter les droits, d’assurer des moyens de subsistance avantageux et durables, et de réduire la pression exercée sur des zones cruciales pour les moyens de subsistance locaux et qui ont une grande valeur écologique. Des normes qui reconnaissent l’importance de la protection des droits coutumiers sur la terre et les autres ressources naturelles et le droit au consentement libre, préalable et éclairé (FPIC) ont désormais été établies, notamment pour l’exploitation forestière, les domaines destinés à la production de bois, l'huile de palme, le soja, le sucre, l’aquaculture, les biocarburants et la séquestration du carbone.
Les principes de transparence et de partage de l’information dans les normes volontaires du secteur privé signifient que la fourniture de données concernant les activités et les projets des entreprises constitue désormais une obligation des sociétés membres envers toutes les parties prenantes. Cela a permis aux groupes de la société civile et aux communautés de réagir plus rapidement à ces projets, augmentant les possibilités de les modifier avant qu’ils ne soient nuisibles. Les mécanismes de plainte et les commissions d’examen des plaintes des entreprises, des organismes de certification et des tables rondes sur les matières premières sont maintenant activement utilisés pour entamer des médiations indépendantes et régler les différends. Le caractère multipartite des normes volontaires signifie par ailleurs que les ONG et les OSC, tant environnementales que sociales, ont leur mot à dire sur les décisions et les actions de ces organes et des entreprises qui en sont membres. Le souci que portent les organes de certification et les entreprises à leurs réputations contribue à instaurer un effet de levier lorsque des plaintes ne sont pas traitées adéquatement.
L’examen des normes relatives aux matières premières nous mène toutefois à constater que bien que les processus de négociation des textes entre les parties prenantes aient favorisé un niveau élevé d’ « appropriation » conjointe des normes, l’un des résultats de leur évolution séparée est que les différents programmes ont conduit à l’élaboration d'approches disparates, voire même parfois contradictoires, quant à la façon dont ces programmes traitent des questions critiques, telles que les droits humains, le régime foncier, la légalité et l’octroi de permis, la sécurité des moyens de subsistance, la prévention des risques et le règlement des différends.
Des efforts doivent être déployés non seulement pour mettre en œuvre ces normes, mais aussi pour les améliorer et les harmoniser. Une surveillance et une vérification soutenues par la société civile se sont avérées indispensables, même au vu du nombre limité de réussites à ce jour. Au cours de la période 2012 – 2013, le Forest Peoples Programme, en collaboration étroite avec SawitWatch et d’autres partenaires, a également fait campagne pour que soient améliorés les principes et les critères de la Table ronde pour une huile de palme durable. Des avancées ont été réalisées dans le nouveau projet de texte sur lequel les membres ont voté en avril 2013 de son adoption.
Bien que l’élaboration de normes volontaires privées puisse contribuer à accroître les exigences maximales en termes de respect des droits humains, œuvrer pour une réforme des lois et de la gouvernance est essentiel pour contribuer à accroître également les exigences minimales. Mais ces deux processus ne sont pas séparés : ces dernières années, des normes volontaires du secteur privé ont été utilisées pour coopérer avec des gouvernements et identifier des domaines de réforme juridique, afin que les entreprises soient mieux à même de se conformer à des exigences volontaires, notamment lorsque les lois nationales rendent le respect de ces normes difficile, voire impossible.
Les défenseurs des droits humains sont confrontés à des questions difficiles en présence de normes volontaires qui exigent une réflexion plus approfondie : les normes volontaires font-elles autorité sur les communautés locales qui ne sont pas membres, ou qui n'ont même pas connaissance de l’existence de ces normes ? Étant donné qu’à ce jour aucune des procédures des normes n’a été appliquée par des communautés locales sans l’aide d’ONG locales (et parfois internationales), comment éviter le risque de substituer la voix de ces communautés, au lieu de faciliter leur propre accès, déterminé librement, à ces procédures ? Les normes volontaires sont-elles véritablement utilisées pour garantir des droits et principes fondamentaux non négociables, tels que le consentement libre, préalable et éclairé, ou simplement pour atténuer les répercussions des projets sur les vies des communautés affectées sur la base d'un compromis ?
Il est peut-être plus utile de concevoir les normes volontaires comme un outil parmi d’autres dans la boîte à outils du plaidoyer des droits humains. À l’évidence, un profond fossé demeure entre la façon dont elles devraient fonctionner et ce qu’elles peuvent effectivement réaliser. Cependant, se peut-il qu’avoir accès à un système imparfait soit mieux que rien ?
Sources utiles :
Forest Peoples Programme 2012 Free, Prior and Informed Consent and the RSPO: Are the companies keeping their promises? Findings and recommendations from Southeast Asia and Africa. Moreton-in-Marsh. @:http://www.forestpeoples.org/sites/fpp/files/publication/2012/10/rspofpic23oct12.pdf
Chao S 2012 Free, Prior and Informed Consent and oil palm expansion in Indonesia: Experiences in human rights advocacy with the palm oil sector. Document présenté à l’occasion des Consultations de l’Asie du Sud-Est concernant l'accaparement des terres et les plantations de palmier à huile. Lentera et Université de Darma Agung, 5 - 10 novembre. Medan, Indonésie. @:http://www.forestpeoples.org/sites/fpp/files/publication/2012/11/fpicoilpalmexpansionmedanconferencepapersophie-chao.pdf
Chao S, M Colchester et N Jiwan 2012 Securing rights through commodity roundtables? A comparative review. Forest Peoples Programme, Moreton-in-Marsh. @:http://www.forestpeoples.org/sites/fpp/files/publication/2012/11/securing-rights-through-commodity-roundtables-comparative-review.pdf
Chao S 2013 The Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO) and complaint resolution: Guidance on submitting a complaint for civil society organisations and affected local communities. Forest Peoples Programme, Moreton-in-Marsh. @:http://www.forestpeoples.org/sites/fpp/files/publication/2013/02/rspocomplaintsresolutionguidancescfeb2013.pdf
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 29 April 2013
- Programmes:
- Global Finance Climate and forest policy and finance Law and Policy Reform Supply Chains and Trade
- Partners:
- Sawit Watch