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Maintien des injustices : la poursuite d’expulsions inutiles et du déplacement des communautés sengwer d’Embobut

La communauté sengwer d’Embobut a été dispersée, et une bonne partie vit encore dans ses forêts et clairières sur les hauteurs des montagnes de Cherangany Hills, malgré les expulsions du Service forestier du gouvernement du Kenya (KFS). Ses membres s’y cachent face au harcèlement des gardes forestiers, aux incendies des maisons temporaires qui sont devenues les leurs, et à la destruction des biens essentiels des ménages, ainsi que face à la menace d'arrestations, en dépit de l'existence d'une injonction de la Cour suprême interdisant ce harcèlement et ces expulsions.

Ces expulsions ont commencé à l’époque coloniale, sous le couvert de la conservation, et malgré le fait que la communauté a préservé ses forêts pendant des millénaires. Les expulsions répétées ont laissé les terres libres d'être exploitées par ceux qui n'ont aucun intérêt à leur survie. La seule solution juste et efficace – qui consiste à garantir « le régime de propriété de la communauté sur les conditions de conservation » - a été présentée par des experts de la foresterie communautaire de la Banque mondiale et de l’UICN lors du colloque qui a rassemblé des communautés et le gouvernement en mars 2015. Cela pourrait sembler ironique étant donné le rôle qu’a joué la Banque mondiale pour permettre au KFS de mener ces expulsions, et au vu du passé de l’UICN, qui s’est exprimée en faveur des expulsions. Mais le Panel d’inspection de la Banque mondiale lui a fait revoir sa position, et l’UICN a cherché à redéfinir ses approches (voir par exemple le Mécanisme de Whakatane de l’UICN). Il reste à voir si la Banque mondiale ou l’UICN maintiendront une approche fondée sur les droits, ou reviendront à l’ancienne approche, si les détenteurs du pouvoir cherchent à ignorer la Constitution du Kenya de 2010.

Le Panel d’inspection a critiqué le Projet de gestion des ressources naturelles (NRMP) financé par la Banque (appliqué pendant la période 2007-2013 à Embobut et ailleurs), indiquant qu'il n'était pas conforme aux politiques de sauvegarde de la Banque mondiale. Il a déclaré que ce projet n'avait pas été en mesure d'indiquer, d'aborder ou d'atténuer adéquatement le fait que l'institution qu'il finançait (le KFS) était, et reste, engagée en faveur des expulsions « avant, pendant et après la conclusion du NRMP » (Rapport du Panel d’inspection de la Banque mondiale : paragraphe 27, Document de synthèse).

Le Kenya accomplit des progrès grâce à un projet de loi sur la conservation et la gestion des forêts et à un projet de loi sur les terres communautaires, qui sont tous deux devant des comités au Parlement, et qui – selon l'issue de ces textes – pourraient contribuer à parvenir à une solution juste et efficace, ou pourraient s’avérer contraires à la Constitution et à la science de la conservation. Par ailleurs, la Commission foncière nationale (NLC) a l'occasion de se manifester et de jouer un rôle décisif qui lui est attribué par la Constitution, en s’attaquant aux injustices historiques et actuelles à l’égard de ces communautés.

Le soutien à la NLC, aux communautés, et à une contribution juridique solide à la législation au cours de l’année à venir, sera crucial pour déterminer l’issue. Il sera tout aussi crucial de savoir si l’UICN, la Banque mondiale et d’autres partenaires du développement essentiels pour le Kenya – comme la Finlande et l’Union européenne – resteront à l’écart et accepteront une approche injuste, fondée sur les expulsions, anticonstitutionnelle et impraticable, ou travailleront avec la NLC et d’autres branches du gouvernement pour garantir le succès pour tous, à l’exception de ceux que les Sengwer appellent les « élites » qu’ils considèrent comme locales, nationales et internationales : ceux qui sont en première ligne pour tirer profit des prétendus projets pour les moyens de subsistance, des projets d’ « indemnisation », et de tous les autres processus qui sont utilisés pour cacher la marginalisation d’un peuple et l’exploitation des forêts et clairières restantes.

Voici deux réponses des Sengwer à cette situation, la première est celle d’un homme, la seconde est celle d’une jeune femme :

« La chose la plus importante pour les peuples autochtones est la reconnaissance de nos droits de vivre, posséder et conserver nos terres ancestrales sans aucune expulsion. La reconnaissance de nos droits est la chose la plus importante parce que lorsque les personnes se penchent sur les questions liées au changement climatique et à REDD, elles se penchent sur l'argent, les moyens de subsistance, etc. Mais dans le cas des communautés autochtones, la chose la plus importante pour nous est de conserver nos terres pour préserver notre identité, et de jouir de nos vies comme les autres communautés le font dans le monde entier… Les peuples autochtones ne devraient pas être vus comme des agents de destruction, mais comme les personnes qui conservent les forêts depuis très longtemps. Reconnaître nos droits de vivre dans la forêt fait partie de la solution au changement climatique… Même s’il [le KFS] continue de brûler nos maisons pour nous forcer à quitter la forêt, nous continuerons de revenir dans nos forêts. Les expulsions et les incendies ont forcé notre communauté à vivre dans des grottes, en plein air, dans le froid des hautes montagnes, beaucoup sont atteints d'une pneumonie ». (Yator Kiptum)

« Le Service forestier du Kenya ment lorsqu'il dit qu'il nous chasse pour protéger la forêt. Il nous chasse pour pouvoir détruire la forêt sans que nous le voyions et l’arrêtions. Avant son arrivée, c'était nous qui protégions la forêt. Une analyse devrait être faite pour déterminer le moment où cette destruction de la forêt a commencé : c’est lorsque le KFS est arrivé. Pour eux, le motif est l’argent, ils veulent nous garder à l’écart pour attribuer des marchés comme bon leur semble, sans qu’aucun membre de la communauté ne soit présent pour le voir et les arrêter. La forêt, c’est nos vies… Il n'est pas possible de prendre soin de la forêt lorsqu'on ne vous laisse pas le faire. Les personnes ne peuvent pas aller à l'école. Il n'y a plus d'école. Les femmes n'ont pas de droits, parce qu'elles sont attaquées et battues. L’environnement est lui aussi violé. Avec la destruction des forêts, nous allons perdre les plantes et les animaux que nous avons chéris, et nous allons perdre notre culture, notre vie, nous-mêmes ». (Milka Chepkorir)

Overview

Resource Type:
News
Publication date:
14 December 2015
Region:
Kenya
Programmes:
Conservation and human rights

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