N'abandonner aucune terre : expulsions forcées et accaparements de terres à grande échelle à Bukanga Lonzo
Des petits agriculteurs et des communautés de la République démocratique du Congo (RDC) sont préoccupés par des projets du gouvernement visant à accorder entre 16 et 20 concessions de très grande taille sous forme de « parcs agro-industriels » dans le cadre du Plan d’investissements agricoles national 2013-2020, d’un montant de 6 milliards de dollars des États-Unis. Visant à « exploiter l’énorme potentiel agricole du pays et à relever le défi de la sécurité alimentaire », les parcs disposeront du statut de zone économique spéciale associé à des incitations fiscales, et seront gérés comme des partenariats public-privé. Il a été signalé que le gouvernement de la RDC considère que 80 millions d’hectares de terres arables « non exploitées » et des pâturages pour 40 millions de têtes de bétail sont disponibles, et qu’il existe des possibilités de pratiquer la pisciculture commerciale.[1]
Le premier de ces « parcs agro-industriels », à Bukanga Lonzo dans la province de Kwango (anciennement Bandundu, mais aujourd’hui divisée en trois régions différentes, Kwilu, Kwango et Maindombe), a été inauguré en 2014 pour un coût estimé pour le gouvernement à 83 millions de dollars des États-Unis.
L’astuce, l’intimidation et de fausses informations comme moyens d'accaparement des terres
Les personnes qui vivent dans la pauvreté voient généralement leur situation à travers différentes manifestations de privation qui vont plus loin que les privations économiques. Elles ont pleinement conscience de l'impuissance et de l'impossibilité de se faire entendre, qui les exposent à l'exploitation et à la privation, ne leur donnent pas les moyens d'influencer la façon dont les gouvernements attribuent les droits et distribuent les ressources, et les soumettent aux représailles et aux punitions lorsqu'elles décident de remettre en question leur place dans la société.[2]
La transparence, ainsi qu’un accès égal et continu à une information de qualité, constituent une condition préalable à la gouvernance participative, permettant ainsi aux personnes de participer par des moyens éclairés et significatifs aux décisions qui affectent leurs vies. Dans ce contexte, il est essentiel d'assurer une participation significative des personnes qui vivent dans la pauvreté, et de promouvoir la transparence et l’accès à l’information.
À Bukanga Lonzo, le gouvernement ne s’est toutefois pas engagé dans des consultations adéquates avec les communautés concernant leurs terres avant de s'engager dans le développement du parc. L'élite traditionnelle a été délibérément manipulée afin d'influencer le consentement de ses communautés. De fausses informations ont été employées pour susciter l’intérêt des dirigeants traditionnels et des responsables terriens. De vaines promesses ont été faites concernant des projets fictifs qui ne seront jamais réalisés. Les procédures administratives ont été violées. Des représentants des autorités publiques ont intimidé directement la population. Des signatures et des transactions avec des mineurs ont été extorquées (cela a été le cas du village de Baringa Ngashi). Enfin, des modèles agricoles ont été imposés aux communautés sans leur consentement libre, préalable et éclairé (FPIC).
Souscrire à un nouveau cadre de développement
Il est évident qu'étant donné que de nombreux objectifs fixés dans les Objectifs du millénaire pour le développement n'ont pas été réalisés, il est impératif qu'un paradigme de développement durable plus efficace soit établi sous la forme d’un nouveau cadre de développement aux niveaux mondial et national.
Le gouvernement de la RDC devrait donc reconnaître que les personnes qui vivent dans la pauvreté doivent prendre la tête des décisions qui concernent leur avenir. Le FPIC des titulaires de droits, comme les peuples autochtones et les communautés locales, doit être respecté dans toute décision prise. Le gouvernement devrait clarifier et assurer les systèmes collectifs coutumiers liés au régime foncier des forêts en RDC en protégeant le droit des communautés au FPIC dans les décisions qui les affectent, et garantir des compensations adéquates et un accès à la justice. Cela est d’autant plus vrai parce qu’obtenir un accès accru à la terre et aux ressources naturelles est un moyen important de développer les possibilités économiques qui s’offrent aux familles pauvres, aux minorités et aux groupes sociaux vulnérables.
Lassana Kone
Notes
1. SouthWorld (2014), « DRC – Agro-industrial parks to address the food security challenge », juillet, www.southworld.net/drcagro-industrial-parks-to-address-the-food-security-challenge/ 2. CESR, A Matter of Justice, Securing human rights in the post-2015 sustainable development agenda
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 14 February 2017
- Region:
- Democratic Republic of Congo (DRC)
- Programmes:
- Supply Chains and Trade Conservation and human rights