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Perou étude de cas : Une famille Kichwa, affamée et exposée à la COVID-19, dans un éternel exode

Aristides, Kichwa of the Tupac Amaru community in San Martin receiving a cleaning kit to avoid COVID19

Cet article fait partie d'une série sur les impacts de COVID-19 sur les peuples autochtones et tribaux. Le rapport complet, "Le COVID-19 et les peuples autochtones et tribaux : impacts et inégalités sous-jacentes" qui présente 10 études de cas, dont celle-ci, est disponible ici.

Par Marie Joyce Godio, avec l’aide de Matias Perez Ojeda del Arco, et Aristides Shupingahua

Aristides Shupingahua, un membre du peuple Kichwa de la communauté Tupac Amaru dans la région de San Martin, se trouve maintenant en sécurité avec sa famille dans leur maison rurale. Mais le chemin parcouru pour y arriver a représenté une épreuve que sa famille et lui ne sont pas près d’oublier. Aristides, sa femme et leurs quatre enfants faisaient partie des 167 000 Péruviens qui ont quitté les zones urbaines lorsque la pandémie a frappé. Qualifié comme un « exode à l’envers », [1] le confinement imposé le 15 mars 2020 a eu pour conséquence de forcer des milliers de personnes à dormir dans les rues de Lima, en attendant de pouvoir rentrer chez elles. Le confinement a entraîné la fermeture de toutes les entreprises et écoles, ce qui a gravement affecté les travailleurs journaliers. L’absence de revenu quotidien compliquait le paiement du loyer et l’achat de nourriture. La capitale est lentement devenue hostile et inhabitable.

Aristides et les membres de sa famille s’étaient rendus à Lima en décembre 2019 pour rendre visite à leur fille aînée pendant les vacances. Il avait lui-même besoin d’aller à la capitale pour le traitement de la pension de retraite auquel il avait droit pour service militaire rendu pendant la guerre Pérou-Équateur en 1995, un processus qui traînait depuis des années. 

Il s’est finalement retrouvé à travailler dans un restaurant chinois où sa fille était serveuse, jusqu’au moment où le gouvernement a déclaré l’état d’urgence en raison de la COVID-19 et a mis en place le confinement. Son emploi au restaurant déjà ne lui permettait pas d’apporter un revenu additionnel suffisant pour satisfaire les besoins familiaux. Ils ont finalement décidé de quitter leur maison louée et de se rendre à la base militaire numéro 8, dans l’espoir de pouvoir rejoindre l’un des rares vols humanitaires à destination de San Martin.

Après avoir passé plusieurs jours dans les rues à l’extérieur de la base militaire, Aristides a pu emmener sa femme et ses deux plus jeunes enfants dans un centre de dépistage, afin d’obtenir une confirmation de test négatif pour pouvoir monter à bord du vol. Sa femme et ses enfants ont réussi à prendre l’avion pour San Martin le jour même du test, mais ils ont ensuite dû observer la quarantaine obligatoire de 14 jours à Chumia, dans le district de Chazuta, avant de pouvoir se rendre finalement dans leur communauté.

À l’instar de milliers de personnes, Aristides et ses deux plus vieux ont dû rester dans les rues de Lima, réussissant à survivre grâce aux dons de nourriture de bénévoles et amis. Nombreux sont ceux qui n’ont pu maintenir le contact avec leur famille faute d’argent pour recharger leur téléphone. Il fallait d’abord obtenir le test et trouver les ressources pour rentrer chez soi, à défaut de quoi la faim les aurait emportés avant le virus. [2] 

En désespoir de cause, plusieurs de ceux qui vivaient dans la rue ont renoncé à se faire tester et ont décidé de rentrer chez eux à pied, notamment ceux dont la carte d’identité indiquait Lima comme lieu de résidence, faisant peu confiance au gouvernement régional pour les autoriser à prendre l’un des vols ou bus disponibles.

Après un mois et demi passé dans la rue, Aristides et ses deux enfants ont finalement pu se rendre au centre de quarantaines de Chumia le 26 mai. Il se souvient que le centre ne leur a pas offert « un seul grain de riz à manger » ou d’endroit approprié pour dormir. Un gouvernement régional du Pérou ne dispose pas des ressources ou des installations nécessaires pour accueillir la vague de personnes qui retournent dans leurs communautés.

Aristides entend cultiver du manioc, des plantains et des haricots sur sa parcelle familiale. Sa ferme et la proximité de sa famille font de sa ville natale un endroit bien plus sûr que Lima. Sa famille et lui resteront à Tupac Amaru pour s’occuper des récoltes, tout en bravant ensemble la pandémie.

[1] www.nytimes.com/2020/04/30/world/americas/20virus-peru-migration.html

[2] www.thenation.com/article/world/peru-coronavirus-covid-19/

Overview

Resource Type:
News
Publication date:
17 December 2020
Region:
Peru
Partners:
Consejo Étnico de los Pueblos Kichwa de la Amazonia (CEPKA)

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