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Un autre tour de manège : la Banque mondiale revoit ses normes de sauvegarde

Fin 2010, la Banque mondiale a annoncé qu’elle lançait un processus de révision de huit de ses « politiques de sauvegarde », des politiques qui visent à établir des exigences minimales pour minimiser ou éliminer le risque de dommages sociaux et environnementaux directement provoqués par des activités financées par la Banque mondiale (voir la liste ci-dessous), et sa politique en matière d’utilisation des systèmes nationaux. Cette révision comprend les politiques qui sont contraignantes pour la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et l’Agence internationale de développement (AID), les deux institutions formant la branche publique de la Banque mondiale[i] chargée de prêter des fonds. Au fil des années, les politiques de sauvegarde de la Banque mondiale ont été revues et mises à jour à plusieurs reprises. Bien que ces processus de révision aient donné lieu à plusieurs normes de sauvegarde utiles, les organisations de la société civile et les peuples autochtones attirent l'attention sur les graves lacunes et faiblesses qui demeurent dans le cadre de sauvegarde de la Banque mondiale. Par exemple, il a été souligné que les normes et les engagements de la Banque mondiale commencent à être significativement à la traîne par rapport à d’autres institutions financières, dans des domaines tels que la réinstallation et les droits des peuples autochtones, et que ces normes et engagements sont dépourvus d'un cadre complet d'évaluation des risques sociaux.

Politiques de sauvegarde de la Banque mondiale (BIRD/AID)4.01 Évaluation environnementale (1999)4.04 Habitats naturels (2001)4.36 Forêts (2002)4.09 Lutte antiparasitaire (1998)4.11 Ressources culturelles physiques  (2006)4.37 Sécurité des barrages (2001) 4.12 Réinstallation involontaire de personnes (2001) 4.10 Populations autochtones (2005)4.00 Utilisation à titre pilote des systèmes de l’emprunteur pour traiter des questions relatives aux sauvegardes environnementales et sociales dans les projets financés par la Banque (il ne s’agit pas d’une politique de sauvegarde, mais elle fait également partie de la révision)

La révision annoncée a pour objectif d’étudier en détails l'ensemble des mesures et pourrait donner naissance à un système entièrement nouveau, dans lequel les politiques individuelles telles que nous les connaissons actuellement pourraient complètement disparaître ou être intégrées dans d'autres politiques, selon une nouvelle formule. Ces éventuels changements radicaux ont fortement attiré l'attention des organisations de la société civile et de justice sociale du monde entier, qui craignent que ce processus pourrait donner lieu à une dilution des normes existantes. Mais il est également vrai que le processus de révision pourrait ouvrir la voie à de nouvelles mesures de sauvegarde. À cet égard, il convient de noter qu'au moment de lancer cette révision, la Banque mondiale a reconnu que certaines questions clé, telles que les droits des travailleurs et les questions de genre, ne sont pas prises en compte dans les mesures de sauvegarde existantes, indiquant qu’il pourrait être nécessaire de définir de nouvelles politiques.

La Banque mondiale tirera-t-elle les enseignements de ses évaluations de la mise en œuvre de ses politiques ?

Cette révision tombe à moment opportun pour la Banque mondiale. En 2011, le Groupe indépendant d’évaluation de la Banque mondiale a publié une étude détaillé de toutes les mesures de sauvegarde de la Banque mondiale, y compris des politiques de la BIRD et de l’AID et des normes correspondantes de la SFI et de l’AMGI. Dans cette étude, Safeguards and Sustainability Policies in a Changing World: An Independent Evaluation of World Bank Group Experience, des recommandations détaillées ont été faites à la BIRD et à l’AID, ainsi qu’à la SFI et à l’AMGI. Il est probable que ces recommandations contribuent de façon significative à la révision actuelle. À un niveau plus ciblé, la Banque mondiale a récemment publié une étude très attendue concernant la mise en oeuvre de ses politiques en matière de peuples autochtones, Implementation of the World Bank’s Indigenous Peoples Policy: A Learning Review (FY2006-2008). Parmi les nombreux résultats saisissants, ce rapport détaille entre autres l’échec systématique des tentatives d’aborder adéquatement les droits fonciers et les droits aux ressources dans les projets de la Banque mondiale affectant les peuples autochtones. En outre, le rapport soulève des questions sérieuses quant à la façon dont la politique a été mise sur pied et révèle de nombreux manquements pour documenter de façon appropriée la prise en compte du consentement, de l’accord ou de l’appui des peuples autochtones à ces projets, ainsi que l’absence généralisée de mécanismes de divulgation ou de résolution des conflits adéquats au niveau local. Sur la base de ces nouvelles informations détaillées, la révision actuelle peut dûment prendre en compte les points faibles de la mise en œuvre passée, et travailler à y remédier, quel que soit le nouveau système mis en place.

Néanmoins, depuis l’annonce de la révision l’année dernière, très peu a été accompli afin de développer de façon concrète le processus de révision. Un « document introductif » est attendu sous peu (septembre 2011) et il sera possible de soumettre des commentaires publics. En l'absence d'informations ou de projets clairs de la part de la Banque mondiale, des organisations de la société civile, des organisations de peuples autochtones, ainsi que d'autres organisations, ont soumis une lettre formelle au Président de la Banque mondiale détaillant les exigences clés du nouveau système qui doivent y être intégrées afin que la Banque mondiale puisse effectivement traiter des risques sociaux et environnementaux émergents.

Cette lettre aborde notamment une question importante qui soulève actuellement des préoccupations, à savoir la question de l’émergence de nouveaux processus de prêt qui n’exigeraient pas l’application des politiques de sauvegarde. Cela se réfère à ce qui est appelé l'initiative ‘Programme for Results’ (instrument de prêt-programme axé sur les résultats), ou politique opérationnelle P4R (OP 9.00), qui suit actuellement une procédure de développement rapide et qui devrait être finalisée avant la fin 2011. Cet instrument de prêt autoriserait le prêt de fonds sans politiques de sauvegarde, en laissant les gouvernements nationaux des pays destinataires utiliser leurs propres lois et règlements. Dans le cas des peuples autochtones, cet instrument de politique pourrait saper des décennies de travail en faveur de la reconnaissance du fait que les droits des peuples autochtones nécessitent une protection, en particulier lorsque les lois nationales sont insuffisantes ou lorsque les peuples autochtones ne jouissent d’aucune reconnaissance. Le FPP appuie les demandes visant à intégrer cette nouvelle forme de prêt proposée dans le processus de révision des mesures de sauvegarde, conformément au principe fondamental selon lequel des mesures de sauvegarde effectives doivent être universellement appliquées aux prêts et aux allocations de subventions de la Banque mondiale.

La lettre des ONG traite également de la nécessité de développer des mesures de sauvegarde qui assurent la cohérence et la conformité aux normes et instruments internationaux en vigueur, tant pour ce qui est de l'environnement que des droits humains. La Banque mondiale exige depuis longtemps la conformité aux principaux traités et conventions environnementaux, mais les normes et lois en matière de droits humains ont été systématiquement ignorées. Cela doit changer et la révision des mesures de sauvegarde est une occasion de s'assurer que la Banque mondiale adopte des normes et des mesures de sauvegarde solides en matière de droits humains.

La Banque mondiale jouit de décennies d’expérience dans l’utilisation de ses politiques de sauvegarde, à partir du début des années 1980, jusqu’à aujourd’hui. Cette expérience, telle que recueillie dans les deux rapports susmentionnés, doit désormais imprégner les actions de la Banque mondiale, au moment où elle se lance dans la conception de sa nouvelle approche. La participation des peuples autochtones et de la société civile à ce processus sera essentielle pour qu’elle donne lieu à un système efficace, juste et fondé sur les droits qui apportera des résultats concrets et durables en matière de développement.

Le texte complet de la lettre des ONG, soutenue par le FPP, est disponible en anglais ici :http://www.forestpeoples.org/sites/fpp/files/publication/2011/09/csoletteronworldbanksafeguardsreview.pdf

 

[i] La révision des mesures de sauvegarde ne couvre pas les politiques et les procédures de la Société financière internationale (SFI), qui a récemment achevé l’examen de ses propres normes de performance, ni les normes s’appliquant à l’Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI).

Overview

Resource Type:
News
Publication date:
7 October 2011
Programmes:
Global Finance Climate and forest policy and finance Law and Policy Reform Supply Chains and Trade

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