Bangladesh étude de cas : Les communautés de la forêt de mangrove des Sundarbans sont encore plus marginalisées à la suite des mesures prises face à la COVID-19

Cet article présente les impacts et les inégalités sous-jacentes auxquels sont confrontées les communautés locales des Sundarbans, au Bangladesh, en période de pandémie de covid-19. Un rapport connexe, "Le COVID-19 et les peuples autochtones et tribaux : impacts et inégalités sous-jacentes" est disponible ici.
Par Marie Joyce Godio, avec l’aide de Rashed al Mahmud Titumir, Md. Shah Paran, Mamun-or-Rashid, Khalil Dhali et Amori Begum
Au Bangladesh, les cyclones détruisent fréquemment les maisons, les équipements et les moyens de subsistance des communautés. Le changement climatique a augmenté le nombre de cyclones qui frappent les régions côtières et affectent les mangroves.
Le 16 mai 2020, le super cyclone Amphan a grandement affecté les communautés, endommageant les produits cultivés, les infrastructures et les digues de protection côtière de 26 districts côtiers, et éliminant plusieurs options pour assurer leur subsistance. La pandémie de COVID-19 et le confinement dans tout le pays ont également exacerbé les difficultés continuelles qui découlent de la marginalisation et de la discrimination dont sont victimes les peuples des forêts.
Le centre de recherche Unnayan Onneshan, basé à Dhaka, travaille avec trois coopératives de peuples des forêts dans les Sundarbans, la plus grande région du monde de forêts contiguës de mangrove. Parmi les groupes d’utilisateurs traditionnels des ressources, on retrouve les Bawali (des coupeurs de bois et cueilleurs de palmiers), les Mouwali (des cueilleurs de miel), les Jele (des pêcheurs), les Chunari (des cueilleurs d’escargots et d’huîtres), et les cueilleurs de crevettes et de crabes. Tous suivent des règles complexes afin de protéger les ressources naturelles.
Celles-ci visent à diversifier les moyens de subsistance des peuples autochtones et des communautés locales défavorisées en soutenant des stratégies d’adaptation au climat, en s’attaquant aux inégalités sous-jacentes et aux systèmes corrompus, et en contribuant à la conservation durable de la forêt et à la gestion de ses ressources.
« L’actuelle pandémie de COVID-19, le confinement dans l’ensemble du pays et le super cyclone Amphan ont eu des conséquences catastrophiques sur la vie de millions de personnes qui vivent dans la forêt. Environ 95 % des utilisateurs traditionnels des ressources (UTR) dans les Sundarbans ont perdu la plus grande partie de leurs revenus et 51 % d’entre eux se trouvent sans emploi. La crise actuelle va faire passer le taux de pauvreté des peuples des forêts à 40 %, tandis que 43,5 % des revenus des ménages se situent en dessous des seuils de pauvreté définis au plan international. » Un porte-parole d’Unnayan Onneshan
Khalil Dhali, âgé de 53 ans, est un utilisateur traditionnel des ressources dans les Sundarbans et cueille les produits de la forêt depuis de nombreuses années. Le cyclone Amphan a ravagé la forêt et a détruit les moyens de subsistance de millions de personnes comme Khalil.
« Amphan a anéanti les ressources de la forêt. Il a démoli notre maison, endommagé les digues, et inondé les terres cultivables d’eau salée, les rendant inaptes à la culture. L’eau des étangs et des puits tubulaires est aussi devenue saline. Nous ne possédons plus rien. Il est devenu impossible de recueillir les ressources comme auparavant. Plusieurs parmi nous meurent de faim. Le coronavirus nous empêche de changer d’occupation. » Khalil Dhali
Le confinement sur tout le territoire a provoqué une baisse importante de la demande en produits de la forêt recueillis par les UTR dans les Sundarbans, entraînant la chute des prix. Ne pouvant se rendre au marché pendant plusieurs mois en raison du confinement et des mesures de distanciation sociale, la plupart se sont retrouvés sans revenu.
Amori Begum, une utilisatrice traditionnelle des ressources qui a l’habitude d’aller dans la forêt pour en recueillir les fruits et contribuer au revenu de sa famille, affirme :
« Nous avons dû rester inactifs pendant le confinement. On nous a interdit d’aller dans la forêt et au marché. Nous n’avons obtenu aucun revenu pendant plusieurs mois. Amphan a frappé à la même période, portant un autre coup catastrophique à nos moyens de subsistance. Malgré la levée partielle du confinement, nous n’obtenons pas le juste prix pour les produits que nous vendons au marché. Les gens sont moins disposés à acheter qu’auparavant ».
Récemment, du 1er juillet au 30 août, le département des forêts a imposé une interdiction de pêche dans toutes les rivières et canaux des Sundarbans, sur la base des recommandations des Plans intégrés de gestion des ressources, adoptés en 2019 pour protéger les ressources de la pêche. Ce moratoire produit un effet négatif supplémentaire sur les moyens de subsistance des UTR, déjà menacés à cause de la COVID-19 et du cyclone.
« Nous sommes restés sans emploi durant deux mois de plus. Nous devons toutefois continuer de payer les intérêts aux prêteurs d’argent. Comment pouvons-nous payer des intérêts sur nos emprunts si nous ne gagnons aucun revenu ? Un moratoire similaire avait été imposé l’an dernier, mais la situation diffère cette année en raison du coronavirus et d’Amphan. Il nous est impossible d’exercer d’autres occupations à cause du coronavirus et on ne nous a accordé aucune compensation ou mesure incitative dans le cadre du moratoire, bien que frappés par une crise dont on ne voit pas la fin. » Khalil Dhali
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 17 December 2020
- Region:
- Bangladesh
- Programmes:
- Culture and Knowledge Territorial Governance Conservation and human rights Supply Chains and Trade