Colombie étude de cas : Des lueurs d’espoir et une « Marche de la dignité » pendant la pandémie de covid-19

Cet article fait partie d'une série sur les impacts de COVID-19 sur les peuples autochtones et tribaux. Le rapport complet, "Le COVID-19 et les peuples autochtones et tribaux : impacts et inégalités sous-jacentes" qui présente 10 études de cas, dont celle-ci, est disponible ici.
Par Marie Joyce Godio, avec l’aide de Maria del Rosario, Viviane Weitzner, Tom Griffiths, Leidy Lorena Mina Diaz, et Javier Peña
Le Palenke Alto Cauca est une instance de gouvernance régionale de l’organisation nationale qui représente les communautés afrodescendantes du nord du Cauca en Colombie. Le Cauca est l’une des régions les plus meurtrières de Colombie et également l’une des plus touchées par la COVID-19.
Avant la pandémie, les communautés afro-colombiennes et autochtones du Cauca étaient déjà affligées par une situation de vulnérabilité extrême et de marginalité, forcés de survivre au quotidien, entre les feux croisés de groupes belligérants. Des hors-la-loi armés affluent dans la région pour extraire illégalement de l’or, récolter le produit des cultures illicites, tout en se livrant à l’extorsion. Les communautés sont confrontées à l’impact de l’accaparement des terres et de l’eau résultant des plantations toxiques de canne à sucre qui occupent les zones les plus fertiles de la vallée, et font aussi face aux intérêts des grandes compagnies minières et des promoteurs de projets hydroélectriques.
Lorsque la COVID-19 a frappé le nord du Cauca, les communautés ont vu les conséquences sur leurs terres et leur sécurité s’amplifier. Ceux qui le pouvaient ont continué de travailler afin de mettre de la nourriture sur la table, s’exposant ainsi au virus. Ils n’avaient pas d’autre choix. Ceux qui n’ont pu travailler, ayant perdu leurs fermes traditionnelles, ont souffert de faim. De plus, d’importants problèmes respiratoires affectent la population, causés entre autres par le feu des champs de canne à sucre, que l’on continue de produire et récolter.
Des acteurs armés ont profité de la COVID-19 pour tenter d’imposer un « ordre social », dont des couvre-feux, et ont semé la terreur dans la population en perpétrant des massacres et des meurtres sélectifs, qui deviennent beaucoup plus faciles tandis que chacun doit rester chez soi en quarantaine.
En signe de protestation, les peuples autochtones, afrodescendants et paysans ont marché pendant 16 jours en juin et juillet 2020, du Cauca à la capitale, Bogota, dans le cadre de la « Marche pour la dignité ». Francia Márquez, lauréate du prix Goldman pour l’environnement 2018 pour l’Amérique latine, et plus récemment la première femme noire à se présenter comme candidate à la course présidentielle colombienne de 2022, a déclaré lors de cette marche :
« J’invite les femmes et le peuple colombien en général à élever leur voix pour mettre fin à cette tuerie. Aujourd’hui, nous ne mourons pas uniquement parce que l’État nous a abandonnés dans le contexte de la pandémie. On continue aussi à nous tuer sur nos territoires, à assassiner nos leaders sociaux. Aujourd’hui, les gens ne meurent pas seulement à cause de l’abandon des institutions, mais aussi en raison du racisme, plus présent que jamais » [1]
Alors que la violence et la pandémie faisaient rage, l’historique Guardia Cimarrona non armée des communautés noires autonomes a déployé des efforts héroïques pour contrôler leurs territoires ancestraux et protéger leur population, mettant en place des postes de contrôle où l’on veillait à ce que les personnes qui entrent dans leurs communautés suivent les protocoles de biosécurité.
« Tout le monde essayait de se réfugier sur notre territoire, dans nos communautés, en provenance de villes comme Cali, Popayan et Jamundi. » Javier Peña, Guardia Cimarron
Les huit points de contrôle, à l’entrée et à la sortie de Buenos Aires, Suarez et Santander de Quilichao, ont permis, pendant trois mois, de maintenir à zéro le niveau d’infection du virus. La Guardia s’y trouvait en poste 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et recevait souvent l’aide des membres de la communauté pour désinfecter les pneus des véhicules et s’assurer que toute personne entrante respectait les protocoles de biosécurité. « C’était une fantastique occasion de soutenir nos communautés », souligne monsieur Peña, en ajoutant que de nombreux membres de la communauté souhaitent que la Guardia maintienne les points de contrôle même après la levée du confinement.
La Guardia a également implanté des postes de contrôle dans la zone urbaine de Playa Renacientes, près de la ville de Cali, où est situé l’un des Conseils communautaires du Palenque, instances de gouvernance des communautés afrodescendantes reconnues par l’État. Cet exercice symbolique de leur autorité sur le territoire a été qualifié d’exemplaire par le gouverneur afrodescendant du département du Cauca ainsi que par le corps de police de Cali qui, dans le cadre de cet effort coordonné, aurait fourni des rafraîchissements à la Guardia à ses divers points de contrôle.
Les autorités du Palenque soutiennent que ces actions ont garanti un plus faible niveau de propagation du virus dans leurs communautés. Ces efforts ont également conduit à une reconnaissance bien méritée de la Guardia Cimarrona comme institution, et de l’autorité des afrodescendants sur leurs territoires collectifs. Voilà des lueurs d’espoir dans un paysage autrement très sombre de violations alarmantes des droits.
L’accaparement des terres, les problèmes de souveraineté alimentaire et la violence contre les populations afro-colombiennes et autochtones risquent effectivement de s’aggraver, alors que le gouvernement de Duque a entrepris d’affaiblir la mise en oeuvre des Accords de paix, de réduire la portée du consentement préalable, libre et éclairé qui protège les droits des communautés, et qu’il considère l’exploitation minière à grande échelle comme un moteur pour sortir de la dévastation économique que la pandémie a amplifiée.
[1] https://www.facebook.com/ColombiaInforma/videos/pueblos-francia-marquez-da-un-saludo-de-apoyo-a-la-marcha-por-la-dignidad-llevad/287248762474392/
Overview
- Resource Type:
- News
- Publication date:
- 16 December 2020
- Region:
- Colombia
- Programmes:
- Culture and Knowledge Conservation and human rights
- Partners:
- Proceso de Comunidades Negras (PCN) y Palenke Alto Cauca (PAC)