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La société civile fait état de vives inquiétudes concernant le projet de révision du Code forestier du Cameroun

Le Code forestier de 1994 du Cameroun est en cours de réforme et la société civile fait état de préoccupations graves et urgentes concernant le processus de réforme et le contenu des propositions de réforme. 

Le Code forestier est l’instrument juridique principal définissant les règles régissant les relations, les droits et les obligations en matière de forêts et de vie sauvage. Contrairement aux obligations internationales du Cameroun, le Code de 1994 ne reconnaît pas les droits des peuples autochtones aux terres, aux territoires et aux ressources qu’ils ont traditionnellement possédés, occupés ou utilisés et acquis. Il ne protège pas non plus de façon adéquate les multiples droits sociaux et économiques étroitement liés sur lesquels sont fondés les cultures et les moyens de subsistance de nombreuses communautés et peuples qui dépendent des forêts, tels que les droits à l’alimentation et à la protection contre les déplacements involontaires. La réforme du Code forestier constitue une occasion de réparer ces failles en reconnaissant les droits des peuples autochtones, mais le processus de révision du Code et le contenu des propositions de réforme soulèvent des inquiétudes graves et urgentes concernant l’engagement du gouvernement en faveur du respect des droits relatifs aux terres et aux ressources des peuples autochtones et des autres communautés qui dépendent des forêts. 

Processus

Les groupes de la société civile nationale s’inquiètent du fait que le calendrier de ces modifications législatives, et la façon et le processus selon lesquels la société civile et la communauté des forêts sont consultés demeurent tout à fait incertains. 

La société civile a uniquement reçu, au mieux, l’assurance informelle qu’elle sera consultée en temps voulu. Au même moment, des réunions à huis clos, auxquelles la société civile nationale n’a pas été conviée, se tenaient au sujet du nouveau Code forestier. Il n’a été question d’aucune réunion ouverte à laquelle la société civile serait invitée à participer. 

Bien qu’il soit bon que les parties prenantes, dont la société civile, aient disposé de suffisamment de temps pour soumettre des propositions de réforme avant la présentation de tout avant-projet, un premier projet de révision du Code forestier n’a été rendu public que récemment, et nous apprenons maintenant que le Ministère des forêts et de la faune (MINFOF) a achevé une deuxième, et maintenant même une troisième version du Code forestier, sans que les communautés ou la société civile aient été adéquatement informées, consultées ou impliquées. 

La publication rapide, successive et apparemment à l’improviste des propositions formelles de réforme par le gouvernement ont empêché la société civile d’analyser les projets de dispositions et de définir une réponse collective. Par ailleurs, le gouvernement a agi sans consulter les détenteurs des droits, à savoir les communautés forestières et les peuples autochtones. Selon les projets actuels du gouvernement (ou l’absence de projets du gouvernement), très peu de temps et aucune ressource ou processus et structure consultatifs (du moins en apparence) ne sont consacrés à garantir la consultation adéquate des communautés ou de la société civile, ce qui est pourtant l’obligation juridique du gouvernement. Il est regrettable qu’un troisième avant-projet du Code forestier ait été publié avant même que la société civile ait eu la possibilité de soumettre des commentaires concernant le premier avant-projet, et encore concernant le deuxième avant-projet. En conséquence, les communautés forestières et les peuples autochtones risquent d’être d’autant plus marginalisés et discriminés par le processus de réforme en cours. 

Contenu

Malgré les délais et les ressources disponibles limités, une analyse préliminaire d’un troisième avant-projet du Code forestier a constaté de graves lacunes. 

L’hypothèse sous-jacente des propositions de réforme continue d’être que les communautés ne disposent que de droits d’usage sur les terres et les ressources forestières, et non pas d’un contrôle significatif et de droits de propriété sur les forêts et les ressources coutumières, qui demeurent sous le contrôle de l’État et restent sa propriété. 

La loi n’est donc pas conforme au droit international, qui accorde des droits de propriété entiers aux peuples autochtones et tribaux sur les terres et les ressources qu’ils ont traditionnellement possédées, occupées, utilisées ou acquises. Bien que les dispositions relatives à l’exploitation forestière, à la chasse et aux aires protégées des communautés comportent quelques avantages pour les communautés ayant la capacité de surmonter les obstacles administratifs qui s’imposent, elles sont à l’évidence prévues pour couvrir une fraction seulement des zones forestières. Par conséquent, elles ne permettent absolument pas de freiner la dépossession de jure des terres et des ressources forestières coutumières des communautés qu’implique cette loi, rendant le dernier avant-projet non conforme au droit international des droits humains. 

La loi contient quelques références limitées à la consultation et à la participation des communautés, notamment l’affirmation selon laquelle les groupes sociaux vulnérables « sont pris en compte » dans la gestion des forêts. Toutefois, ceci perpétue le modèle actuel de gestion forestière selon lequel il n’est accordé aux communautés aucun contrôle réel et aucune propriété leur permettant de définir leurs propres priorités de développement concernant les terres et les ressources forestières coutumières essentielles pour leur alimentation, leurs habitations, leurs moyens de subsistance, et dans de nombreux cas pour leur survie physique et culturelle. De plus, l’avant-projet actuel ne contient pas de procédures claires, accessibles et participatives (telles que le droit au consentement libre, préalable et éclairé) pour garantir les mesures de sauvegarde procédurales nécessaires à la protection des droits des communautés telles que requises par le droit international. 

Conformément à l’article 45 de la Constitution du Cameroun, les lois nationales doivent être révisées afin qu’elles soient conformes au droit international. Les observations finales de 2010 du Comité des Nations Unies de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CERD) revêtent une importante immédiate, le Comité « déplorant que la législation relative à la propriété foncière en vigueur ne prenne pas en compte les traditions, coutumes et régimes fonciers des peuples autochtones ainsi que leur mode de vie » et recommandant que le Cameroun « prenne des mesures urgents et adéquates pour protéger et renforcer les droits des peuples autochtones à la terre ». Ces recommandations sont évoquées dans les récentes observations finales de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (mai 2010) et du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies (janvier 2012). Bien que le projet de code soit bien sûr une loi relative aux forêts plutôt qu’à la terre, ses implications pour les terres forestières signifient qu’il doit être compatible aux lois et à la jurisprudence internationales, tel que mentionné plus haut, portant sur les droits relatifs aux terres et aux ressources forestières. 

L’Accord de partenariat volontaire (APV) conclu entre l’UE et le gouvernement du Cameroun dans le cadre du mécanisme FLEGT (application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux) est actuellement en cours de mise en œuvre à travers une série de réformes institutionnelles, juridiques, et de gouvernance. Parmi les nombreuses réformes en faveur desquelles le gouvernement s’est engagé dans l’APV figure l’intégration du droit international dans le cadre juridique national relatif aux forêts. Étant donné que le Code forestier constitue la structure législative essentielle en matière de forêts et de gouvernance des forêts, un processus et un contenu des réformes du nouveau code forestier qui ne respecteraient pas le droit international saperaient la légalité et la légitimité de la mise en œuvre de l’APV au Cameroun. Cela représenterait également un précédent pour les processus FLEGT-APV dans d’autres pays qui négocient ou mettent en œuvre des APV en Afrique et ailleurs. 

Enfin, il est nécessaire de prendre de toute urgence les mesures du processus crucial défini ci-dessus afin de garantir une participation significative des peuples autochtones au processus de réforme juridique qui a lieu avant qu’il ne soit finalisé par le bureau du Premier Ministre et par le Parlement, afin que le fond de la loi traduise les droits et les besoins de ceux que cette loi affectera le plus. 

Overview

Resource Type:
News
Publication date:
10 December 2012
Region:
Cameroon
Programmes:
Supply Chains and Trade Legal Empowerment Access to Justice Law and Policy Reform

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